À l'hotel ou comment parier 2 lambos || With Kuma

Il avait tardé à rentrer ce soir Kuma, passé une petite éternité chez un camarade de classe pour terminer un projet de groupe, avait même prévenu sa tante qu’il resterait sans doute dormir chez lui. Mais finalement il avait pris le chemin du retour, s’était décidé à rentrer. Désireux de ne pas trop déranger, d’être aussi invisible que possible. Le froid de l’hiver qui approche à grands pas mord son visage, joues rougies, vapeur qui s'échappe d’entre ses lèvres. Lui qui n’a jamais hâte de retourner là bas, chez Tama, presse le pas ce soir. Mais plutôt que de le faire avancer vite, ses pas le mènent jusqu’à une silhouette qui titube, tient à peine debout. Et sa réaction première est de baisser les yeux, lâche prêt à fuir face à un ivrogne peut-être dangereux. Mais en y regardant de plus près, il semble surtout être en danger que l’inverse. Alors il approche timidement. « Est-ce que vous allez bien ? » Pas de réponse, seulement le constat de son état lorsqu’il est assez près pour le voir. Ce garçon est mal en point, de toute évidence incapable de marcher et rentrer chez lui.

Peut-être que Kuma devrait continuer son chemin, mais il pourrait mourir de froid, s’il passe la nuit ici. Alors il s’approche un peu plus, pose une main maladroite sur son épaule. « Vous voulez que j’appelle un taxi ? Vous saurez lui dire votre adresse ? » Il n’a pas l’air de comprendre, et le lycéen ne sait pas quoi faire. « Je vous emmène dans un hôtel d’accord ? Vous pouvez pas rester dans le froid. » Il acquiesce finalement, et Kuma s’arme de courage pour le porter sur son dos jusqu’à l’hôtel le plus proche. Il réserve une chambre, continue de le porter jusqu’au lit où il le dépose. Doucement, il lui retire ses chaussures, remonte la couverture sur son corps froid. S’apprête à s’en aller lorsqu’il l’en empêche en serrant sa main. « Rester ? » Il ne comprend pas vraiment, ne sait quoi faire. « J’ai déjà payé la chambre jusqu’à demain midi, ne vous.. ne t’en fais pas. Repose toi juste et demain quand l’alcool sera redescendu tu pourras rentrer chez toi. Tu me laisses partir ? J’ai vraiment déjà payé, promis. »

C’est la première fois qu’il fait ça Kuma, ignore si c’était la bonne chose à faire, s’il n’aurait pas dû continuer son chemin comme s’il ne l’avait jamais vu. Après tout ce n’était pas son problème à lui, ce n’était pas sa responsabilité non plus de payer pour une nuit d’hôtel. Pas quand on est seulement lycéen, pas quand c’est pour l’y laisser ainsi. Sans doute aurait-il dû appeler la police, mais il voulait éviter les ennuis à cet inconnu. C’est idiot, gamin naïf qui ne devrait pas faire confiance ainsi, alors que rien ne lui dit que ce garçon n’est pas une mauvaise personne. Tant pis, après tout il est comme ça, on ne le refait pas. Et il est prêt à s’en aller, à enfin rentrer chez lui après avoir recouvert le corps gelé avec la grosse couverture, mais pour une raison qui lui échappe, on lui demande de rester, on le retient. Alors il lui assure avoir payé, convaincu que c’est pour cette raison qu’il l’empêche de partir. Après tout, pourquoi d'autres voudrait-il le voir rester ? Ils ne se connaissent pas, et compte tenu de son état d’ébriété, ce garçon devrait plutôt le chasser, aurait même pu avoir peur en réalisant où il se trouve. Seul avec quelqu’un qu’il ne connait pas dans une chambre d’hôtel, incapable de marcher, de se défendre.

C’est principalement pour ça que Kuma voulait s’en aller rapidement, pour ne pas lui laisser le temps de croire qu’il lui ferait du mal, qu’il a de mauvaises intentions. Et quand il avoue avoir peur, le gamin panique un peu. « Je ne te veut aucun mal, vraiment » Il ne sait pas comment le lui faire comprendre, ne sait pas pourquoi il s’accroche ainsi à lui. Encore moins lorsqu’il le tire vers lui, semble lui supplier de rester. « Mais… » Soupir. Finalement il force un peu pour libérer sa main, s’éloigne juste le temps de lui servir un verre d’eau qu’il place sur la table de chevet. Hésitation. Puis ses doigts qui viennent timidement serrer ceux de l’alité alors qu’il s’accroupit près de lui, jauge sa température de sa main libre contre son front. « Est-ce que ça va ? » Il tente au mieux d’être calme et doux, tout pour ne pas l’effrayer. Son pouce caresse doucement le dos de sa main, instinct qu’il ne saurait justifier. « Pourquoi tu veux que je reste si tu as peur de moi ? »

D’ordinaire, Kuma fuit les personnes trop imbibées d’alcool pour pouvoir ne serait-ce qu’être un minimum lucide, craint toujours qu’ils ne soient violents, dangereux. Alors c’est en quelque sorte la toute première fois qu’il s’occupe de l’un d’entre eux, constate son comportement, et il ne sait pas quoi faire, comment agir. Il a entendu parfois des gens parler de techniques pour les aider à aller mieux, à faire baisser les effets de la boisson sur leur métabolisme, n’a rien retenu cependant. Il avance à l’aveugle, fait de son mieux malgré tout mais c’est difficile, surtout face à quelqu’un à peine capable de parler. Il ne comprend pas lorsque l’alité semble essayer de le rejoindre malgré son état, lorsque le contact de leurs mains liées a l’air de l’apaiser. Qu’importe tant qu’il a l’air d’aller mieux. Puis il prend la parole, et Kuma ne peut que froncer les sourcils, toujours plus perdu. « Peur que je parte ? » Et pendant un instant, il suspecte alors que ce garçon le prend pour quelqu’un d’autre, le confond avec quelqu’un qu’il connaît, dont il est probablement proche. Mais il reprend, explique que c’est de la solitude dont il a peur, éveillant alors des soupçons sur la cause de son état. A-t-il bu pour noyer une peine d’amour ? A-t-il perdu quelqu’un ? Curiosité qui s’éveille, bon sens qui lui interdit de poser ce genre de questions indiscrètes. Ils ne se connaissent pas après tout, ça ne le regarde pas. Et lorsqu’il comprend que l’inconnu cherche à s'emparer du verre, il réagit enfin. « Attends » Il l’aide à se redresser en position assise, tout doucement, lui tend le verre sans jamais lâcher sa main. « Bois doucement. Tu as besoin d’autre chose ? Tu as froid ? Faim ? » C’est qu’il se sent un peu stupide Kuma, à ne pas savoir quoi faire. « Je reste d’accord ? Je resterai jusqu’à ce que tu t'endormes. » Alors il s’installe plus confortablement sur le sol, appuie sa joue contre le matelas. « Ça va aller ? »

Kuma n’aurait pas dû s’occuper de cet inconnu, le ramener ici. Oui il aurait pu, dans le meilleur des cas, lui appeler un taxi ou le déposer devant l’hôtel et s’en aller, rentrer chez lui. Il serait déjà au chaud sous sa couverture à cette heure-ci s’il s’était moins impliqué dans la vie de ce garçon. Alors pourquoi reste-t-il ? Certes, son vis-à-vis le lui a demandé, mais rien ne l’oblige à accepter. Oui rien hormis cette empathie trop développée, ce réflexe étrange de s’imaginer une situation où leurs places seraient inversées. S’il avait supplié la personne de rester auprès de lui et qu’il s’en était allé, le lycéen aurait été bien trop triste, sentiment d’abandon qui le hante depuis le départ de son père à sa naissance. Alors il se doit de rester, de consoler l'inconnu. De l’aider à boire aussi, de le rassurer pour qu’il puisse s’endormir paisiblement.

Là seulement, Kuma pourra s’en aller. Et lorsqu’il parle de nourriture, le plus jeune ne sait trop quoi répondre. « De ramen ? » La chambre réservée pour cette nuit lui revient déjà bien assez chère, il ne peut se permettre de commander de la nourriture de ce genre. « Je peux aller à la supérette en bas prendre des nouilles instantanées si tu veux » Et plus il y pense, plus il voit des similitudes entre ce garçon et les chats errants de son quartier dont il s’occupe, ça a quelque chose d'attendrissant, un peu. Face à la réponse évasive de ce dernier suite à la question sur son état, Kuma décide de ne pas plus creuser. Il ne semble pas vouloir parler de sa situation. « Pourquoi je suis dehors ? Ah tu veux dire, quand je t’ai trouvé ? Je rentrais juste chez moi. J’étudiais chez un camarade de classe pour un devoir. Tu es étudiant aussi ? » Courte pause, avant de reprendre. « Comment tu t’appelles ? Moi c’est Kuma »