what are you doing ? (nao)

Les coups fusent, d’un côté excessivement. Alors que de l’autre, Hotaru, Mad Dog, essaye juste de dodge les coups. Et merde, c’est pas facile. En général, les futures recrues de Nakano sont pas trop difficiles à tuer. Un peu plus que ses cibles habituelles bien sûr, mais jamais aussi compliquées que celle ci l’est. Merde. Le gars l’a déjà touché avec son couteau à la cuisse droite, et au niveau du bas du ventre. Rien d’assez profond pour que ça touche les organes ou que ça l’empêche d’éviter ses coups, mais clairement assez pour diminuer sa rapidité à le faire, et lui laisser la possibilité de lui en asséner quelques uns de bien placés. Ça fait mal. Sérieux, ça fait vraiment mal. Et ça l’fait chier. Le gars en face est pas dans un super état non plus, mais comme il a pris le parti de l’attaquer à répétition, il a pour l’instant l'avantage. Il a l’air moins dans la galère que le Kyudo d’un point de vu extérieur. Sauf qu’il y a un truc. Un truc que ce gars a oublié de prendre en compte. Ça fait une vingtaine de minutes qu’il s’acharne à balancer des coups de poings et des coups de pieds dont plus de la moitié se terminent dans le vide. Et vingt minutes que la seule chose que fait Hotaru est d’esquiver. Au bout du compte, l’un des deux est forcément plus fatigué que l’autre. Et c’est pas Hotaru. Plus vite qu’il ne pensait que ça arriverait, le mec en face montre des signes de fatigue. Ses mouvements se font plus lents, moins précis, et surtout moins féroces. Les plaies qu’il a aux bras doivent pas aider. Ils se sont mis d’accord pour finir le combat aux mains, l’ayant commencé aux couteaux, mais trouvant l’exercice pas assez distrayant. Une idée de l’autre. Hotaru trouve pas ça distrayant de se battre. Ça lui fait juste passer le temps. Quand le type en face commence vraiment à fatiguer, Hotaru s’approche de lui et lui assène un crochet du droit bien placé. Avec la force que lui, n’a pas eu la stupidité d’épuiser inutilement. Le jeune homme, d’un peu moins de trente ans selon ses constatations, tombe à genoux devant lui. Puis par terre. Genoux probablement trop douloureux. Hotaru se recule de lui, le quittant jamais des yeux, et va chercher son katana. Après tout, se battre aux poings, c’était une idée de l’autre gars. Puis Hotaru est pas hyper doué pour garder les promesses qu’il a fait sans vouloir les faire. Lorsqu’il plante la lame dans le corps déjà à terre du gars devant lui, son visage est neutre. Et lorsqu'il récupère la lame et qu’il l’essui, il lâche une expiration d’ennui.
Déjà ? C’était pourri.

Il envoie un texto au nettoyeur avec qui il bosse, son meilleur pote, et attend qu’il arrive avant de s’en aller. Ne jamais laisser le corps seul. Ça la foutrait mal que quiconque tombe dessus par inadvertance. Il se moque de lui, comme il le fait toujours, lui offre quelque chose pour se nettoyer, assez pour pas paraître louche dans la rue, et finit par reprendre le chemin de chez lui. Lorsqu’il arrivera, Reiji sera probablement là. Il appellera son job pour dire qu’il est trop malade pour venir bosser. Il fera le maximum pour soigner les blessures soignables, et il ira pioncer pour aider à son bon rétablissement. Comme il le fait à chaque fois qu'il finit blessé lors de ses jobs. Ça va que c’est assez rare pour que ses patrons de la supérettes se doutent pas d’un truc ou le saoulent pas trop de ses absences. Sauf que, ce qu’il pensait n’être qu’une plaie bénigne au ventre lui fait de plus en plus mal, saigne de plus en plus à mesure qu’il marche. Lorsqu’il arrive à l’entrée de l’immeuble, il a la main posée sur la plaie, et le sang  est clairement de nouveau visible sur son t-shirt pourtant propre que lui a apporté son pote, et ses doigts sont tachés de son sang, eux aussi. Son jean de base propre est aussi taché, et vraiment, il a juste l’air d’avoir été attaqué par un gang de rue. Ce qu’est pas si loin que ça de la réalité, au final.
Il finit par arriver à l'ascenseur, appuie sur son étage et essaye de rester loin de bords, pour ne pas prendre le risque de s’y appuyer, et de laisser son sang un peu partout. Déjà parce que c’est crade, puis on sait jamais à qui ou à quoi ça pourrait servir un jour. Lorsqu’il sort de l'ascenseur, il hésite à reprendre son tel pour appeler son pote et lui dire de venir l’aider. Vu son état actuel, il aura probablement du mal à se soigner tout seul. Mais alors qu’il marche dans le couloir pour rentrer chez lui, il se retrouve face à face avec quelqu’un. Un voisin qu’il a déjà vu, aperçu en réalité, une ou deux fois. Il baisse la tête et fait un pas pour le contourner et reprendre son chemin vers la porte de son appartement. Merde. Il faudra qu’il lui explique ça s’il le recroise demain. Ça risque d’être un mensonge difficile à assez bien ficeler pour pas trop en dire tout en restant un minimum réaliste.
M’enfin.
Il aura pas à s’en occuper s’il meurt d’ici là, anyway.

Enfant des cieux que les anges caressent de leurs phalanges salvatrices, gueule d’un archange, et même les divins ne peuvent résister à la beauté qui émane de ses pulpeuses comme de ses orbes où renaissent les constellations mortes dans l’univers de ces mortels voués à la damnation éternelle sur la terre que l’on voulait sainte, qui n’est plus que la nécrose qu’ils ont bien voulu ( créer ) des mains pourrissantes de souillure et de moisissure, celles qui rongent les chairs et les âmes pour les réduire en cendres, pour que même un souffle, ne soit plus soufflé dans les carcasses épuisées, pour que les battements du myocarde ne soient qu’un vague souvenir d’une humanité autrefois fleurissante. Mais Nao, il est bien plus que ça, Nao est merveilles à côtés de ceux qui ne sont plus que poussières dans l’air putride du Japon. Choyé dans les bijoux, choyé dans l’amour, alors qu’il n’est devenu d’une déception de plus aux yeux d’une famille qui se voulait ( faussement ) soudée autrefois, avant que les rêves indolores viennent ronger les projets des parents, avant que les ailes n’emmènent l’enfant adoré loin de l’avenir tout tracé que lui avait offert dès la naissance.

Palpitant brisé il y a tant d’années, pourtant le sourire n’a jamais cessé de ( vivre ) sur les lippes sucrées de l’enfant, pourtant, il n’a jamais cessé d’y croire même s’il ne cherche plus à rencontrer ceux qui feront battre le cœur comme autrefois, l’amour brûle comme il blesse et réduit à néant les myocardes éclatés dans ces poitrines qui n’en peuvent plus du chant d’espoir qui sonne si ( m a l ). Nao, il ne vit plus que pour lui, pour oublier que la vie n’est pas toujours si facile, qu’il y a toute la déception de ses parents qui ronge ses entrailles jusqu’à n’en plus pouvoir. Vie parfaitement modelée, masque qu’il porte toujours, car fatale serait la chute si l’on venait à découvrir les faiblesses du garçon, si l’on profitait de sa vulnérabilité pour le détruire ( e n c o r e ). Pauvre enfant qui a refusé de grandir pendant tant d’années avant d’affronter la difficile réalité. Il se cache, Nao l’ange, dans ces vidéos où seuls les rires cristallins résonnent jusque dans les tympans, aux côtés de ses amis, famille maladroitement recomposée, mais ça suffit. Ça suffit à le rendre heureux, à lui rendre sa gloire d’antan.

Enfant prince,
Homme qui deviendra roi.

Les pas qui mènent vers la porte de l’appartement, prêt à partir, les yeux rivés sur l’écran de son téléphone alors qu’il s’en extirpe enfin, sucette coincée dans la bouche et les yeux qui croisent l’homme qui défile dans le couloir, le cruor qui s’échappe des plaies, vient tâcher les vêtements autrefois purs. Le regard qui ne peut le quitter, même quand il fait tout pour l’éviter, Hotaru qui le contourne jusqu’à la porte de son propre appartement. Nao qui attrape son bras d’une douceur parfois surprenante, les phalanges qui se veulent salvatrices sur la chair massacrée. « Hey. » Il ne le connaît pas tellement, sait seulement qu’il habite à côté. « Tout va bien ? Tu es blessé ? » Et que s’est-il passé pour que le chaos frappe tant le corps de ce pauvre enfant, mais Nao, il ne sait pas encore, que le chaos ne naît que dans les mains de celui-ci.

Il ne sait pas encore, toutes les ( horreurs ) qui se sont perdues dans les regards vides.

Il est plutôt habitué à la douleur. Relativement habitué à souffrir de nombreuses blessures. Les entraînements de Kyudo jamais agréables, pas même pour un des fils de la famille. Ou peut-être particulièrement pas agréable pour un des fils de la famille. Habitué à la douleur, et pourtant, les larmes qu’il sent monter aux yeux. Parce que merde, le couteau est jamais entré trop profondément, mais que les plaies sont quand même ouvertes et béantes sous ses vêtements. Pas de pansement pour les protéger du tissu, ni pour les protéger des coups de vents ou des mouvements trop rapides d’Hotaru. Comme lorsqu’il essaye de contourner le voisin. Des mouvements qu’il ne veut pas forcément violents, mais qui semblent l’être si l’augmentation de la douleur doit être une quelconque indication. Il va appeler son ami, en rentrant. Il ne pourra pas se soigner seul. Il n’aura pas la force. Il a déjà l’impression qu’il n’aura probablement pas la force d’aller jusqu’à chez lui. Enfin, si. Il la trouvera la force. Il l’a toujours trouvé. Même aux pires des moments. Ne jamais se laisser abattre. Et surtout, ne jamais laisser personne voir une quelconque faiblesse sur son visage, ou dans son comportement général. Si le voisin n’avait pas été là face à lui, il aurait pu appeler son pote et l’attendre, avachi dans le couloir. Mais Hotaru se force à rester droit, à rester sur ses jambes, qui tremblent. Il va pas tarder à être à bout de force. Ouais, il inventera une connerie à lui raconter demain, pour lui expliquer les lèvres fendues, les bleus sur les bras et les deux entailles sur son corps. Et le sang, tout ce sang. Ironie de se dire qu’il en voit pourtant moins qu’il n’y en avait originellement. Parce que son sang n’était pas le seul qu’il avait sur le corps avant de se changer. Mais personne n’a besoin de savoir ça. Personne. Personne n’a besoin de savoir d’ailleurs que quelqu’un est mort, lors de cet affrontement. Et surtout pas son voisin. Ils se connaissent pas, et ce serait bien que ça reste comme ça. Reiji et lui, et les autres. Sans plus de contact, sans plus de lien. Et surtout sans aucun moyen pour eux de comprendre qui il est. Ou ce qu’il fait de ses journées.

Il le regarde à peine quand il le dépasse. Et lorsqu’il sent cette main sur son bras l’arrêter, il freeze. Quoi ? Qu’est-ce qu’il veut ? Il a pas le temps de taper la discut. Pas le temps, et pas la force. Sa main est étonnamment douce, mais il a trop mal pour faire attention à quoique soit d’autre que “il faut que je retourne chez moi”. Il lui demande s’il va bien, s’il est blessé. Et s’il ne l’était pas, et s’il n’était pas au bord de l’évanouissement, il lui aurait probablement répondu un truc bien senti comme quoi c’était relativement évident. Mais il a pas le courage, ni la force, ni même l’envie finalement, de faire de l’ironie avec le voisin. Il doit rentrer chez lui. Il ouvre la bouche pour lui répondre de le lâcher, mais à la place, c’est une sorte de plainte qui sort de ses lèvres. Et il tombe en avant. Putain. Plus la force d’avancer, pas la force de reculer non plus. Merde. Il l’aurait eu, si le voisin l’avait pas arrêté. Alors il retourne le visage vers lui, les yeux noirs d’une colère froide. Il déteste l’idée, mais s’il veut rentrer chez lui, il a besoin d’aide. Et Hotaru déteste demander de l’aide. En quelques secondes, il sent la force qui continue à le quitter, et ses yeux redeviennent du vide. Pas de la colère, pas de l’amabilité. De la faiblesse. Alors il détourne le regard. Et maintenant quoi ? “... Ch…” Et il tousse. Du sang. Incapable de parler maintenant. Super. Incroyable. Sa vie de rêve, vraiment. Il regarde le voisin de nouveau. Putain. Il est en position de faiblesse. Totalement. Il n’a pas d’autres choix que de s’en remettre à lui. Pour l’aider.
Ou pour l’achever.
Et il déteste ça.

Vestiges d’un temps où il était prince, Nao, la couronne forgée pour sa divine gloire, lorsque l’enfant est arrivé au monde dans les bras d’une mère qui ne l’a que trop aimé de ses mains salvatrices qui auraient pu soigner tous les maux des mondes illusoires et des douleurs qui attaquent le myocarde. Nao, il est la douceur oubliée des univers qui se rencontrent avant de s’essouffler des amours éphémères, constellations sublimes qui naissent et renaissent dans un éternel recommencement ; l’harmonie qui s’épuise dans la dysharmonie des âmes épuisées d’aimer à en crever ; à s’en crever le cœur et les espoirs. Et sûrement que dans ses yeux ; le chaos a sonné une fois ou deux, des caresses délicates abandonnées sur la chair et des mots que l’on ne pensait pas ( plus ), faux, mirages des sentiments sur les rives du Styx. Nao ; il voudrait tout sauver de ses mains gorgées d’or, il voulait soigner les cicatrices qui règnent en reines traîtresses sur les palpitants qui s’efforcent à battre, les poumons qui ne font qu’absorber l’air empoisonné jusqu’à tout nécroser à l’intérieur de ces corps épaves. Il est certainement trop naïf encore, loin d’apercevoir tous les dangers d’un monde plongé dans la noirceur ; loin de se douter que les péchés sont bien plus proches qu’il ne le pense alors que les mains sont noyées dans le sang, les âmes sont ténèbres dans une existence qui se voudrait pourtant tant rayonnante.

Et les dieux barbares ont ravagé le corps ; où bien est-ce lui, le démon qui vient ôter ces vies, ôter le dernier souffle de ses victimes. Nao, il ne pense jamais au mal qui frappe la terre, aux vices cachés dans la boite de Pandore, divine faucheuse qui laisse ses pantins arpenter les rues à la recherche de nouvelles proies. Il veut toujours tout bien faire ; tout contrôler. ( Ne rien laisser tomber dans les abîmes ). Plainte qui s’échappe des lèvres du garçon alors qu’il fronce les sourcils, le visage qui s’abat sous l’inquiétude, ô pourtant, il ne connaît rien de lui. Les yeux qu’ils rencontrent sont bien loin d’être accueillants, font frissonner l’épiderme, mais jamais il ne se décourage ; les craintes qui ne sont qu’artificielles à ses yeux. Alors il soutient ce regard, il ne le laissera pas s’échapper, pas dans cet état. Le cruor explose, entre ses pulpeuses, fait sursauter le gamin alors qu’il s’empresse de le soutenir de peur qu’il s’effondre au sol. Qu’importe si ses vêtements sont sales, ils sont bien loin d’être sa priorité. Les yeux qui balayent le couloir à la recherche d’une âme ; mais il n’y a qu’eux dans le tartare humain, il n’y a que lui pour l’aider. Bras qu’il passe autour de sa nuque pour le supporter, une main occupée à chercher les clés de son appartement. « Je vais t’aider. » Douceur lorsqu’il l’aide à marcher jusqu’à sa propre porte avant de la déverrouiller ( le lieu est bien vide ), la laissant se refermer après leur passage. Délicatesse ; lorsqu’il le dépose dans le canapé, le sang qui viendra tout tâcher. Le corps qui s’affaire jusqu’à la salle de bain, attrape une trousse de secours, de l’eau tiède et des linges propres avant de revenir jusqu’à lui. Il prend place à ses côtés, sans jamais vouloir le brusquer. « Tu veux bien… Me montrer ? » Murmure pour ne jamais effrayer, et les yeux qui peinent à se détacher de lui, intrigué, inquiet, terrible obsession pour celui dont il ne connaît rien. « Je vais seulement nettoyer et essayer de soigner le plus important, ok ? » Et il attend qu’il lui fasse confiance ; qu’il se laisse faire sans brutalité aucune, sans jamais le rejeter, Nao qui vient réparer les belles étoiles.

Il sent les mains du garçon se poser sur sa nuque, et autour de son dos. Il se sent supporté. Il sent aussi qu’il l’entraine, et il voit que ce n’est pas vers sa maison à lui. Le voisin le ramène chez lui. Et c’est probablement  une réaction normale, à laquelle on devrait s’attendre. Et à part s’il décide qu’il veut l’achever une fois dans l’appartement, il veut probablement l’y aider. Mais Hotaru a appris à ne pas faire confiance, jamais. Pas rapidement, et certainement pas à des gens qui le voient en situation de faiblesse. Toujours se méfier. Toujours prendre cinquante milles pincettes avant d’offrir sa confiance à quelqu’un. Toujours peser le pour et le contre de commencer une relation, amicale, amoureuse, et même négative, avec quelqu’un. Hotaru le fait pas tout le temps. Parce que pas le temps, et  principalement aussi parce que pas l’envie. La flemme. Mais là, dans l’état où il est, ça aurait valu le coup de se poser et de se demander s’il peut lui offrir  sa confiance, s’il peut finalement, lui confier sa vie. Mais il a pas le luxe de se poser, ou de se questionner. Parce qu’il a plus la force de faire grand chose. À peine celle de mettre un pied devant l’autre. Il lui dit qu’il va l’aider, et même si Hotaru l’avait compris,  ça  lui fait bizarre. Parce qu’une question à laquelle il avait même pas pensé lui passe par l’esprit. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y gagne, lui, à l’aider ? Hotaru connaît pas la gentillesse gratuite. Il ne l’a jamais vécu, puis faut  dire qu’il fait pas non plus partie de ceux  qui la donnent.Ou en tout cas, très rarement.
La porte ouverte, Hotaru découvre un nouveau monde. Un monde qu’il ne connaissait pas. Une maison qui lui ait inconnue. Il n’a pas vraiment le temps de faire l’état des lieux. Ni le temps, ni l’envie. Ni, encore une fois, la force. Son monde tourne, le nouveau décor qui tourne devant ses yeux, qui lui donne envie de s’éclater par terre et de ne plus jamais se relever. Puis finalement, il s’allonge. On l’aide à s’allonger. Le voisin,  l’aide. Son canapé ? Puis quand il se retrouve seul, étonnement, il le sent. Et encore plus surprenant, il se rend compte que ça le dérange presque. Parce que d’être appuyé sur quelqu’un, ça lui faisait du bien. Puis de se dire qu’il ne mourrait pas seul, et que quelqu’un était là pour l’accompagner pendant  qu’il passerait dans l’au delà, c’était pas désagréable comme pensée.
Le voisin finit par revenir, il l’entend, de loin. Le fait d’être allongé lui a permis de reprendre un tout petit peu ses esprits. Un minimum. Juste assez pour lui permettre de bouger un peu. Ouvrir les yeux pour observer le visage du garçon qui va prendre soin de lui,  manifestement. Lui montrer ?  Oh. Il baisse les yeux sur son corps, et se rend compte du placement mal tombé des blessures. Pas qu’il ait peur ou honte de se mettre à poil devant un étranger. Mais le jean. C’est chiant à enlever. Il déboutonne  à la ceinture pourtant, une chose à la fois, et peut-être il finira pas réussir à faire quelque chose. Il trouve la force, sans trop savoir où, de relever assez son bassin pour descendre le pantalon au niveau des genoux. Et il finit par soulever son t-shirt. Là, au milieu de  la cuisse droite, et dans le bas du ventre du même côté, deux plaies béantes qui demanderaient probablement à être recousues.
Hotaru relève les yeux vers le voisin quand il lui dit qu’il va essayer de nettoyer et de soigner le plus important. Oui. Hotaru ne sourit pas, et dans ses yeux, du doute, de l'inquiétude presque. Les sourcils froncés, les yeux sombres, il jauge le voisin du regard, essaye de lire dans ses pensées.
Il est là parce qu’il n’a pas d’autre choix. Mais finalement, qu’est-ce qu’il lui veut,
ce gars ?

Des bleus sur le cœur ;
Des maux dans l’âme,
Des amours éphémères dont on ne cesse de rêver.

Sous les constellations divines, viennent se trouver les êtres abandonnés sur les abîmes bousillés de l’enfer ; tartare humain où dansent les damnés jusqu’à en perdre la tête. Méandre des pensées et des rêves effacés, coulent dans les rues de la capitale, artères empoisonnées comme le cruor qui s’écoule sous la chair d’un gamin désabusé, le cœur en miette des affections indélicates, alors que les espérances ne sont jamais mortes dans les orbes où naissent et renaissent les étoiles jusqu’à la divine implosion qui viendra tout terrasser, des sentiments qui seront trop forts pour être gardés secrets entre les pulpeuses impures. Fracassés au sol, sont les anges, comme lui. Comme Nao qui se laisserait volontiers crever entre les mains des démons ; d’un d é m o n. Parce que ses yeux ont croisé les siens, et qu’il est bien trop tard pour faire marche arrière, pacte qu’il a signé de son propre sang, et le dernier souffle qu’il laissera contre sa peau qu’il découvrira lentement. Couches de vêtements qui s’ôtent, et l’épiderme est honteusement mis à jour, blessures ignobles d’une lutte sans merci, mais Nao. Nao encore trop naïf, lui qui n’en connaît pas encore les détails et secrets, le cœur si noir qu’il refuse de voir à travers celui qui se fait tant silencieux.

Soupir qui s’échappe légèrement alors que les lèvres sont malmenées, mordues sous la terrible vue. Nao qui tentera tout pour être doux, mais les douleurs reviendront toujours, et il attendra alors, le châtiment divin de ces dieux qui n’attendent plus que son déclin. Serviette immaculée trempée dans l’eau tiède, qu’il vient essorer. « Je suis désolé si ça fait mal, ce n’est pas voulu. » Jamais. Alors les doigts déposent délicatement le linge autour des plaies qu’il vient frôler pour en absorber le plus de sang possible, les yeux concentrés sur sa terrible m i s s i o n, celle de soigner un démon venu fouler le sol poussiéreux d’une terre qui s’essouffle. Nao, de ses doigts délicats, vient désinfecter les blessures avec la boule au ventre, lorsque l’homme réagit ; attaque soudaine qu’il se voit forcé d’effectuer, alors il prend du temps, l’enfant, il prend le temps de le laisser respirer, de le laisser reprendre ses quelques esprits. « Je vais devoir recoudre. C’est vraiment pas beau à voir… » Joues dévorées, lorsqu’il attrape de quoi faire, les mains qui se veulent tremblantes, mais l’esprit contrôle encore, l’esprit est fort, lorsque la plus lourde des tâches menace à l’horizon. Phalanges d’argent, viennent rencontrer le visage du blessé, faussement v i c t i m e, alors que les regards se retrouvent une énième fois. « Ne pense à rien, concentre-toi sur quelque chose… Quelque chose de doux. Et si ça fait trop mal, dis le moi. » Hurle lui d’arrêter un massacre que tu ne pourrais supporter.

Ô et enfin, Nao qui s’empare du matériel précieusement stérilisé, lui qui n’y connaît rien, mais aujourd’hui, il veut être un héros, pour celui qui ôte ces vies dont il ne connaîtra jamais l’identité. Aiguille qui entre en contact avec la chair, transperce les rêves et les espoirs d’une peau immaculée, et l’ange s’attelle à cette tâche bien difficile, que de soigner des maux, aussi invisibles soient-ils.

Ça existe pas, les gens qui font des choses sans rien demander en retour. Qui rendent service juste pour rendre service. Pas dans son monde à lui. Dans son monde, les gens s’assassinent sans demander leur reste. Et pour être tout à fait honnête, lui le premier. C’est d’ailleurs ce qui l’a mené dans cette situation en premier lieu. Les meurtres à répétitions. C’est devenu tellement habituel pour lui, comme une routine qu’il ne peut arrêter, ou peut-être qu’il ne veut arrêter. Il est l’un des seuls à pouvoir faire ça. À pouvoir juste être là, à tuer des gens, sans rien ressentir. À ne pas braver sa morale ou son éthique pour de l’argent. Lui l’argent il s’en fout. Et tuer des gens, ça ne lui fait rien. Il sait que c’est mal, selon la loi. Mais sa famille a du pouvoir, et ils pourraient le sortir de n’importe quoi. Ils ont bien trop besoin de lui pour le laisser rôtir en prison. Y’a des noms sur sa hitlist qui sont là depuis si longtemps. Y’a le nom du gamin là, le petit Nakano. Pas Eiji, quoiqu’il soit sur sa liste, bien évidemment, tout en haut même, en première place. L’autre, un mec que sa famille considère comme une menace. Son frère lui a dit de mettre sa traque en pause. Ça faisait déjà plusieurs mois qu’elle l’était. Hotaru se préoccupe de leurs hitmen, pas des membres de leur famille, aux Nakano. Et Eiji, de toute façon, il est mort. Et de toute façon… Il ne l’aurait jamais tué.
Donc ce mec. Ce mec, il doit faire ça pour une raison. Et Hotaru ne sait pas laquelle, et c’est ça qui lui fait peur. Ça et le fait qu’il a l’étrange et désagréable impression qu’il ne fait pas ça pour quoi que ce soit. Peut-être que c’est la peur sur son visage, non. Pas de la peur, de l’inquiétude. Pour lui ? Il est inquiet pour lui ? Il le connaît pas. Il soupire, le gars devant lui. Il se mord les lèvres. Et les yeux d’Hotaru sont automatiquement attirés par le mouvement, avant de les détourner du visage de son voisin. Il a de belles lèvres. Il peut pas mentir. Il a un beau visage. C’est rien de penser ça. Ça veut rien dire, et ça ne provoque rien. C’est pas comme si c’était la première pensée responsable d’une série d’événement qui pourrait possiblement finir tragiquement. Non. Il vient poser un linge mouillé autour des deux plaies. S’excuse de la douleur que ça peut engendrer. Dit que ce n’est pas voulu. Sans blague.
Mais vraiment.
Sans blague ? Vraiment ? Pourquoi ? Il pourrait le blesser. Hotaru est à sa merci. Il pourrait lui faire n’importe quoi. Pourquoi ne le fait-il pas ? Pourquoi ne prend-il pas l’opportunité d’avoir l’ascendant sur lui ? À sa place, c’est sans aucun doute ce qu’il aurait fait. Ou. Peut-être pas. Mais probablement. C’est décidément ce qu’Erin aurait fait par contre.
Puis un endroit, peut-être un peu endommagé que les autres. Et Hotaru qui lâche un sifflement de douleur et qui se contracte. Ce qui n’aide en rien la douleur dans son bas ventre. “Putain.” qu’il lance, dans un soupir presque silencieux. Puis les paroles du garçon qui le recentrent. Recoudre. Est-ce qu’il a même les compétences pour recoudre ? Est-ce que ce gars a même déjà tenu une aiguille dans sa vie ? Ne serait-ce que pour reprendre un jean ?
Puis un contact sur sa joue, et les yeux d’Hotaru qui volent jusqu’au visage du voisin. De l’étranger qui ose pourtant poser ses mains de cette façon là sur lui. Sur son corps oui, mais sur son visage. Comme si le visage prenait une importance toute autre, toute nouvelle. Une autre proximité encore que juste cette de soigner un inconnu mourant. Mais pourtant Hotaru qui contre tout ce qu’il pensait n’a qu’un minime mouvement de recul. Pas de violence, pas de claque.  Mais juste un léger mouvement de recul, accompagné d’un froncement de sourcil. Comme pour lui demande “qu’est-ce que tu fais ?” et “pourquoi tu le fais ?” Les mots qui ne sortent jamais de sa bouche.
Et comme des derniers conseils qui sortent de ses lèvres à lui, en continuel monologue depuis leur rencontre. Comme pour parler pour eux-deux. Qui lui dit de ne penser à rien. Puis de se concentrer sur quelque chose. Contradiction qu’il n’a de toute façon pas assez de force pour relever à voix haute mais qui donne au voisin quelque chose de l’ordre presque du mignon. Hotaru connaît pas ce domaine. Mais chez le voisin, il trouve pas ça désagréable. Et il lui demande de penser à quelque chose de doux. Lui demande de lui dire si ça fait trop mal. Hotaru n’est pas stupide. Ce garçon va lui enfoncer une aiguille dans le bide et dans la jambe pour lui coudre deux bouts de chairs mutilés ensemble. Bien sûr que ça va faire mal.
Hotaru qui d’ailleurs sert les dents quand l’aiguille perce sa peau. Des grognements de douleurs qui s’échappent de ses lèvres. Et sa main qui agrippe le dossier du canapé avec une force telle qu’il se créer des tensions jusqu’aux orteilles. Des insénités, des injures, qui d’échappent de ses lèvres à chaque nouvelle attaque de l’aiguille.
Puis Hotaru qui se souvient de ce qu’il lui a dit, de se concentrer sur quelque chose de doux.
Alors Hotaru ouvre les yeux, malgré les larmes qui lui brûlent les iris, et les posent sur le visage concentré du voisin. La douleur ne s’évapore pas, parce que ce n’est pas magique. Mais son esprit, son attention est autre part, et quelque part, ça le
distrait.
La distraction de penser à quelque chose, à quelqu’un,
de doux.

Gosses bousillés, abandonnés sur les terres arides.

Sentiments qui éclateront les myocardes ;

Jusqu’à ce qu’il ne reste rien des consciences.

Et Nao est presque encore candide lorsqu’il se prend pour un sauveur, lorsqu’il croit pouvoir panser les maux et les blessures de ses douces mains. Mais Nao se trompe, Nao ne fera que maquiller ces plaies pour qu’elles brillent de nouveau sur la peau faite d’argent sublime. Il est encore trop innocent pour voir les ténèbres qui s’abattent sur ses épaules ; et les démons qui menacent au-dessus de la tête angélique. Doué, il ne l’est pas toujours, né sans talent aucun si ce n’est que celui d’amuser tout le monde, d’avoir le cœur à tout partager, alors Nao est sûrement un peu maladroit lorsqu’il s’attarde sur la tâche qu’il s’est confié, celle de soigner cet inconnu dont il ne connaît pas même le nom, recoudre ces blessures dont il ne connaît pas la provenance. Et il ne dira rien lorsqu’Hotaru évitera d’un mouvement de recul son contact, il ne dira rien lorsque les plaintes s’échapperont de ses pulpeuses, il prendra doucement son temps pour s’occuper de la chair déchirée, pour panser les plaies sans expérience aucune.

Les doigts délicatement posés contre la peau, frôlent toujours d’une tendresse l’épiderme pour ne jamais faire plus de mal qu’il n’en fait déjà, concentré, le cœur qui bat trop vite, de peur de lui faire trop de mal, lèvre qu’il torture pour tout intérioriser, et jamais le regard ne se relève jusqu’au sien, pas même lorsque les injures se font reines entre les lèvres, lorsque les mains agrippent le canapé et que le corps se tend, non. Il continue jusqu’à ce qu’il le sente se calmer, jusqu’à ce qu’il sente ses yeux sur lui. Alors le temps se sera long, jusqu’à ce que tout soit parfaitement recousu, le temps se fera lourd et l’aiguillera torturera encore et encore la peau, Nao qui culpabilise de ce qu’il ose lui infliger. Il n’aurait peut-être pas dû intervenir au fond, mais son cœur lui hurlait de le faire. Et que serait-il advenu de lui ? Serait-il mort au d’une hémorragie ? Non, il refuse d’y penser, il veut le voir vivant, il veut sentir sa lourde respiration dans l’air ambiant alors que lui, retient la sienne, jusqu’à ce que tout soit terminé.

« C’est pas parfait, mais c’est déjà mieux que ce que c’était… » Qu’il souffle doucement alors qu’il revient délicatement nettoyer la chair avec la serviette, maintenant maculée d’un pourpre divin. Soupir qui s’échappe doucement de ses lèvres et les mains qui s’autorisent enfin à trembler, le corps qui se permet de souffler un peu alors qu’il s’assoit correctement sur le sol. « Tu as perdu pas mal de sang… » Il semble réfléchir alors qu’il se relève, presque encore fébrile des émotions qui bataillent en son sein. « Tu devrais manger et boire quelque chose… » Et sans demander son autorisation, il laisse les pas le guider jusqu’à la cuisine, ouvre le frigo alors qu’il attrape du jus d’orange et quelques restes de la veille. « Dis-moi si tu veux quelque chose en particulier, tu peux aussi te reposer ici si… Tu préfères. » Et il viendra poser les plats et le liquide sur la table de son salon, sans réellement savoir s’il va refuser son invitation, sa nourriture ou son aide, trop plongé dans ses pensées. « Je m’appelle Nao, au fait. » Visage qui trouvera enfin un nom pour l’inconnu, et lui qui ne sait toujours rien de lui.

Ce gars est pas doué. Ce gars est clairement pas dans le business. Ni de la mafia, ni de la médecine. Certainement pas de la médecine, non, ça c’est sûr. Ce mec est à côté de la plaque. Il se demande même comment il fait pour garder ses mains calmes, pour les empêcher de trembler. Hotaru essaye de se mettre quelques secondes à sa place. Et si lui, il était à sa place ? Il essaye de s’imaginer avec aucune expérience là dedans, avec aucune idée que le monde de la mafia existe, ou pas plus que juste celle d’en avoir entendu parler. Il s’imagine sans background médical aucun, pas même les rares bases que son meilleur ami a pu lui enseigner. Et il essaye d’imaginer sa réaction s’il s’était retrouvé face à ce garçon s’il l’avait croisé dans le couloir en menant à son appartement. Probablement qu’il aurait juste appelé les secours. Mais après réflexion, il est bien ravi que le voisin ait pas même pensé à le faire. Ou s’il y a pensé, qu’il n’ait pas choisi cette idée. Rien de pire pour un Kyudo, surtout pour leur hitman le plus recherché, d’aller pointer aux urgences. Cette salle à Tokyo est toujours au moins à quinze pour cents remplis de gens qui pourraient être sensibles de vouloir le tuer. Le fil et l’aiguille sont comme deux intruses dans sa peau qu’il ne peut pas rejeter. Comme ces sirops pour la toue qu’ils sont forcés à boire gamins. Et aujourd’hui comme alors, Hotaru de rechigne pas. Il n’a pas le choix s’il veut vivre. Ou tout du moins survivre. Ce sera déjà ça. Hotaru ne vit pas vraiment, il survit. Il est présent pour Erin, pour ses meilleurs amis, pour Kazuki. Mais c’est bien tout ce dont il est capable. Plus ou moins. Au moins socialement parlant. Puis il est capable de tuer. Et parfois, vraiment parfois, quand il a rien d’autre à faire (et ça arrive bien plus souvent que ce qu’il n’espèrerait) il se demande s’il n’est bon qu’à ça. Si son but dans la vie, c’est de tuer des gens pour les Kyudo et rien d’autre. Est-ce qu’un jour, quand y’aura plus personne à tuer, il n’aura plus sa place dans ce monde ? Est-ce qu’il disparaitra magiquement ? Est-ce qu’il manquera à quelqu’un ?

Si l’aiguille et le fil sont étrangers, les doigts de l’étranger le sont tout autant. Mais à la différence, ils sont agréables. Et Hotaru espère pouvoir mettre les sillons de chair de poule qui se révèlent lorsqu’il touche sa peau sous le compte de la douleur extrême qu’il lui inflige. Il est doux. Vraiment doux. C’est surprenant. Encore une fois, à sa place, s’il avait finit par décider de le soigner lui-même, il n’aurait pas été doux. Il aurait été maladroit, et rocailleux, et probablement aurait fait plus de mal que de bien, tout en voulant bien faire. Mais c’est pas son cas à lui. Non. Lui, il s’en sort presque parfaitement bien. C’est pas parfait oh non, loin de là. Son meilleur ami sait les faire parfaitement les points. Parce qu’entre lui et la troisième gogolle, il est habitué. Mais Hotaru peut pas s’empêcher de remarquer que malgré tout, le voisin reste plus doux. Pas que son meilleur ami soit un bonhomme sans douceur, mais il est bien plus chirurgical. C’est pas son cas, à lui

Puis finalement, il s’arrête. Il s’arrête, reprend la serviette abandonnée quelques secondes ? minutes ? heures ? à côté de son corps, et revient éponger le sang qui continue de couleur. Moins, oh beaucoup moins. Mais toujours. Et il parle. C’est mieux que ce que c’était. Bien entendu, après tout, ça pourrait très difficilement être pire. Si. Il pourrait être mort. Et finalement, finalement ses mains tremblent. Il se rassoit normalement, arrête de se pencher sur lui. Arrête de le toucher. Et Hotaru arrête de le regarder. Il observe ses plaies. Il observe le travail de boucher qu’il a fait. C’est pas parfait, oh non. C’est moche, en plus. Faut être réaliste. Mais Hotaru s’en fout. C’est pas important. Puis il saigne moins, c’est ça qui compte. Et cette capacité qu’il a, le voisin, de lui dire des choses évidentes. Lorsqu’il lui lance qu’il a perdu beaucoup de sang. Qu’il devrait manger et boire. Il se lève, va vers la cuisine, ouvre le frigo. Manger, boire, quelque chose. Ici ? Chez lui ? Pas question. Hotaru ne le connaît pas, ne connaît de lui que sa gentillesse apparente, son visage concentré et sa douceur.
Et son courage.
Quelque chose en particulier, il est prêt à quoi ? Cuisiner ? Non. Hotaru peut pas le laisser faire. Se reposer ? Il habite juste à côté. Il va rentrer. Il doit rentrer. Il le voit revenir vers lui. Il ne peut pas rester, ni profiter de son hospitalité.
Il ne connaît même pas son nom.
Nao.
“Nao…” qu’il répète. Comme pour voir ce que ça provoque sur sa langue. Comme pour tester la crédibilité qu’il peut lui donner. Comme si de le dire à voix haute, ça allait lui donner toutes les réponses.
Spoiler, c’est pas le cas.
“Merci pour les points, Nao. Mais je dois rentrer. Si un jour t’as besoin…” Il s’arrête un moment. Qu’est-ce qu’il peut faire pour lui ? Qu’est-ce qu’il peut faire ? Lui proposer de tuer quelqu’un ? Étrange échange de procéder. Alors il se renferme quelques secondes. “Je peux te payer pour ça si tu veux.” Ok. Ça devient ridicule. Puis il a la tête qui tourne. Et il tend juste la main pour attraper le jus de fruit sur la table et le vider en une traite. “Puis pour ça aussi. Merci.” Il prend appuie sur le dossier du canapé lorsqu’il essaye de se relever. Retombe dessus comme un lard.
Fatigue, manque d'énergie. Et les plaies qui lui faisaient mal sont maintenant des points qui tirent à lui donner l’impression qu’il va les briser au moindre mouvement trop brusque.

Le prénom qui ne sonnera jamais comme dans les lèvres de bien des inconnus ;
De ses lèvres ; tout est plus beau.

C’est ce qu’il aimerait croire. Mais au fond, il ne le connaît pas vraiment, ne sait rien de lui, de son prénom de son métier, de ce qu’il fait pour se retrouver dans un tel état. Nao ne sait rien et il se pensait glorieux pour enfin sauver une âme. Peut-être qu’il pensait trop au fond. Peut-être qu’il aurait dû réfléchir avant d’agir comme ça. Mais il ne saura jamais ce qu’il se serait passé sans lui. Il l’a imaginé mort pendant ces longues minutes à recoudre sa peau, il l’a imaginé plus bas que terre, là où on ne pourrait plus jamais le retrouver, les consciences qui s’effaces dans les poésies putrides et éphémères.

Hotaru ;
Peut-être que lui aussi finira par oublier son prénom.

Il y a bien trop de questions qui torturent l’esprit, trop de peines qui viennent emporter le corps dans les abîmés alors que l’esprit vient se noyer dans les abysses. Et tout fait si mal sans qu’il sache pourquoi, tout fait si mal lorsqu’il voit le sang couler, lorsqu’il les mots violents s’échappe de ses lippes, car c’est un monde qu’il ne connaît pas, il est encore trop naïf, candide alors qu’il se berce de ces illusions qui feront par disparaître dans les cieux et les souvenirs. Et Hotaru aura répété ce prénom. Comme s’il allait s’en souvenir. Il l’aura répété, et il aura sonné d’une mélodie divine. Pour la première fois.

« Ne te force pas à t’en souvenir, tu sais. »

Car demain, tu m’auras oublié.

Mais il n’a pas le temps de s’en préoccuper, jamais trop le temps, car il veut fuir, étoile du chaos qui espère pouvoir s’échapper loin de lui alors que le corps se montre frêle ; fragile. Nao a les yeux qui paniquent, le cœur qui s’affole de le voir partir, de l’imaginer loin de ses yeux, là où il ne pourrait pas veiller sur lui. Nao, il ne sait pas pourquoi l’inconnu marque tant son esprit. « Non tu ne… » Mais il ne le laisse jamais parler, paroles qu’il encaisse sans réellement avoir le choix, panique qu’il tente de garder pour lui alors que les mains se torturent entre elles. « J’ai pas besoin d’argent… » Et il le détaille, le regarde boire avant de se relever et de voir le corps sombrer, comme de nouveau attiré par le fond du canapé. Il soupire discrètement avant de se calmer. Il ne pourra pas sortir de cet appartement avant un moment, et tant mieux. Tant mieux, car Nao revient à ses côtés, sans jamais le juger, regard doux comme ses doigts comme sa peau. « Reste ici. Pour le moment. Tu ne risques rien. Tu peux me croire. » Sourire qui tente de briser la glace alors qu’il le pousse légèrement pour qu’il s’allonge à son opposé. « Je vais te chercher une couverture, ne bouge pas… S’il te plaît ?... » Qu’il demande en se relevant, et il veut une parole, une promesse, qu’il ne tentera pas de partir dans cet état et à moitié nu en plus de ça.