faking a sad smile (sasha)

faking a sad smile ★
tous recherche le bonheur,
je me contenterai d'un peu moins de souffrance.


Anxieux.
C’est le dernier cours.
T’aurais pu ne pas venir.
Laisser tomber ça aussi.
Pourtant t’as voulu venir Sasha, une dernière fois… prévenir aussi, que c’était fini.
A la base tu n’aimais pas ça.
Quoique… tu ne sais pas vraiment.
C’est juste qu’on ne t’as pas demandé.
Tu t’es consacré au piano par devoir avant tout, puis c’est devenu ton échappatoire ; une page blanche et un lieu de refuge quand ça n’allait pas.
Il canalisait tes émotions.
Tes doutes et tes peurs.
Et lentement, en plus d’être un besoin nécessaire à ta survie, c’est devenu une passion.
Une vraie, une de celles qui nous obsède.
Une de celles qui nous fait du bien.
Mais aujourd’hui c’était la fin.
Tu n’as pas la moindre idée de comment tu vas devoir gérer ça, de qu’est-ce que tu vas faire à la place, mais t’as pas le choix Sasha, t’as plus d’argent.
Ce cours il a été payé en avance, avec l’argent des parents et… quand elle dit « suivant » t’as la gorge nouée. Tu prends places.
Frôle les touches jusqu’au signal.
Tes doigts s’enfoncent et pressent.
Ils bougent avec fluidités, comme s’ils existaient seulement pour ça et naturellement, tu fermes les yeux. Tu te laisses bercer, transporter ; une dernière fois. C’est déjà fini.
Trop court, tu manques de temps Sasha.
Tu laisses ta place et tu attends la fin, même plus emballé par l’idée de composer avec les autres, alors que tu adores ça normalement.
Quinze-heure trente.
C’est la fin.
Un soupir t’échappe.
Le cœur qui se serre.
Ils s’en vont tous et toi tu reste seul.
Tu as quelque chose à me dire, Sasha ?
Ton regard se relève vers celui de ta professeure de piano, Imoarai Tama.
C’est une belle femme.
Il n’y a aucun doute là dessus.
Avec un peu de retard, tu acquiesce avant d’expliquer.

▬ Je voulais vous dire que c’était mon dernier cours et… que je ne pourrais pas revenir. Tu baisses le regard. J’ai un soucis avec mes parents et je ne peux plus payer les cours. Je suis désolé.

Tu ne sais pas pourquoi tu t’excuses.
Ce n’est pas de ta faute.
Et pourtant t’as les épaules basses.
Comme si tu te traînais une culpabilité bien plus lourde que toi.

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Ne t’excuses pas Sasha.
Ce n’est pas de ta faute.
Étrangement, ce n’est pas ce qu’a dit ton père…
Ta professeure te semble peiné par la nouvelle, toi aussi tu l’es et bien plus qu’elle, mais t’essayes de garder la face, Sasha.
Ce n’est pas parce qu’on tombe qu’on ne peut pas se relever, même si ce n’est pas facile.
Elle te demande ce qu’il s’est passé.
Tu baisses de nouveau le regard.
Comme quand Kiha a demandé.
Ça brûle toujours.
Bien que cela ne soit pas ça le plus douloureux, plutôt l’absence de réelle action de ta mère, comme si tu n’étais rien.
Vu que tu ne réponds pas, elle te dit que vous pourriez vous arranger elle et toi le temps que ça s’améliore avec tes géniteurs.
T’as un rire jaune coincé dans la gorge.
Pas un sourire.
Rien, juste un regard qui se relève et la fixe.

▬ Sincèrement, je doute que ça s’améliore un jour. Un soupir t’échappe. J’aime les garçons et les filles, mais mon père n’a pas particulièrement apprécié de me trouver avec un garçon dans mon lit. Il m’a foutu dehors et ma mère ne semble pas particulière en train d’agir pour que je puisse concrètement rentrer.

C’est plus ou moins ce que t’as cafouillé à ton meilleur ami, passant sous silence la monumentale raclée que t’as pris.
Pas besoin qu’on te plaigne encore plus.
T’étais pas encore près d’être majeur et ça elle s’en doutait Tama, elle le savait normalement et tu devais essayer de finir le lycée, essayait d’avoir ce putain de diplôme, sans savoir si ça serait possible.
T’as donc pas une thune sur toi non plus.
Va falloir que tu trouve un taff et que t’aides tes colocs avec l’appartement… au fond, tu ne sais même pas si t’as encore du temps pour le piano.
Ça te bouffe.
En faisait ça, il t’a un peu pris ta vie.
Et à la fois, il te l’a rendu.
C’est bizarre.
Tu t’es assis, un peu après qu’elle t’ai invité à le faire et miss Imoarai, elle t’achève avec ses mots. Parce que toi, ça ne fais pas que t’attrister, Sasha, ça te crève.
La gorge nouée.

▬ Oui… je sais. V-Vous comprenez que j’ai pas un sous et que je ne peux pas payer les cours, donc… c’est fini, je ne peux vraiment pas faire autrement.

Pour le moment.
Peut-être que tu auras un peu de sous.
Peut-être que tu pourras reprendre.
Le regard qui glisse sur le piano.
Tu te mords la lèvre inférieure.
Tu as le goût du sang sur la langue.
Et timidement, tu demandes :

▬ Est-ce que je peux, une dernière fois ?

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Elle semble te soutenir.
Et tu baisses à nouveau les yeux.
Au fond, même si elle avait soutenue tes parents, ça n’aurait rien changé : c’est fait, c’est fait. Tu vis dans une société qui ne comprends que trop rarement ceux comme toi.
C’est juste que t’en as pas encore l’habitude, Sasha, mais t’inquiètes pas, ça viendra.
Tu hausses des épaules.
Résigné.
Même si une toute petite partie, bien cachée au fond de toi, a envie de croire que ton téléphone va sonner et que ça sera tes parents. Tes parents qui te disent que tu peux rentrer, qu’ils sont désolés. Tu te doute bien qu’au début ça ne serait pas simple, mais tu serais chez toi, dans ta chambre… juste à côté de celle de ton frère.
Le regard qui dérive sur le piano.
Tu hésites, mais tu fini par demander.
Si tu peux en jouer, encore.
Une dernière fois.
Elle t’y autorise.
Lentement tu te lèves pour rejoindre l’instrument, le touchant du bout des doigts avant de t’installer.
Les yeux fixant les touches un instant.
Tes paupières tombent.
Et avec un langueur certaine, une profondeur beaucoup plus grave que celle du morceau précédant, tu joue. Tu laisses tes doigts courir sur le clavier, Sasha, tu te laisses emporter par la mélodie ; noyé par cette dernière.
Une larme t’échappe à la fin.
Bien vite, d’un rapide mouvement de la main, tu l’essuie et tu te retourne à la question de ta professeure.

▬ Oui, j’ai un endroit.

Pourtant, elle précise malgré tout qu’elle connaît bien la directrice de la fameuse auberge de jeunesse.
Tu ne doutes pas de son bon fond, mais ça aussi ça va coûter des thunes et puis maintenant t’es installé chez les Moon.
Pour le moment c’est compliqué, mais ça va finir par aller.
Tu t’en persuade en peu.

▬ C’est sympa de votre part, mais merci et… merci pour ça aussi.

Coup d’œil au piano.
Tu te lèves, Sasha.
Te forçant à afficher un sourire.
Peut-être qu’en forçant le bonheur, il fini par se pointer ? On sait jamais.
Tu restes debout, lui faisant face.

▬ Je reviendrais si j’arrive à mettre de côté pour, c’est promis. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps.

Délicatement, tu t’inclines.
Respectueusement.
Juste avant de commencer à tourner les talons.

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Le corps a pivoté.
Tu t’en vas Sasha… c’est ce que tu penses.
Ses doigts enserrent soudainement ton poignet.
Te voilà prisonnier, sans le savoir.
Les griffes du prédateur se refermant sur toi.
Attend !
Le corps en arrêt.
Une fois de plus tu as pivoté.
Le regard qui suit les mouvements de ta professeure, déchirant un morceau de papier et y inscrivant quelque chose. Elle te tend la feuille et tu n’as pas le temps de baisser les yeux sur ce qui y est écrit que déjà elle reprend la parole.
Si ça te manque trop.
Si ça te manque au point d’avoir l’impression d’imploser à l’intérieur. Si ça te manque au point d’en avoir les doigts qui tremblent. Si ça te manque au point d’en rêver la nuit et d’en avoir mal… alors, tu pourras revenir.
Un simple coup d’œil à la feuille.
C’est son numéro, personnel.
Tu ne sais pas ce que tu dois ressentir.
Ni ce que tu dois dire.
Tama relève ta tête du bout du doigts.
Un frisson te parcours, Sasha.
Un frisson inexplicable.
Et qui pourtant aurait dû te dire que jamais, jamais il n’aurait fallut que tu la rappelle.
Parce que tu vas le faire, parce que tu l’as fait.
Parce que c’était trop beau, trop tentant.
Tes lèvres s’entre-ouvrent quand elle parle de son rêve de danseuse étoile, rêve qu’elle a dû mettre au placard.
Et tu comprends.
Et elle comprend donc.
Ta douleur.
Tama t’expliques combien elle ne veut pas que ton talent s’éteigne et sombre dans les abysses, ça te touche tellement. Quelqu’un qui comprend, qui te soutiens sur ce point là… et t’as ce sourire Sasha, ce sourire plus assuré.
Plus rassuré.
Ce n’est pas fini.
Pourtant, tu te promets de ne pas en abuser.
Un pas en arrière.
Le regard qui regarde à nouveau les chiffres.

▬ Merci… Merci tellement. J’appellerais, promis.

Une nouvelle-fois, tu t’incline.
Et cette fois-ci tu t’en vas.
Mais tu reviendras, Sasha.
Parce que c’est pire qu’une drogue.
Parce que tu ne vibres jamais mieux que quand tu joues du piano.