Flower Power ( ft. Ryu )

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Soleil de cendre qui disparaît doucement derrière les tours de verre, la pénombre recouvre les villes trop vite ces derniers temps, plongeant le monde dans la mélancolie des jours d'hiver. Il y en a une qui ne laisse pas abattre par les nuages gris et le vent désagréable, celle qui marche encore gaiement dans les rues bondées des heures de pointe. Enseigne qui se dessine entre les buildings d'Osaka,  Mei s'arrête à sa hauteur, le sourire, qui ne quitte presque jamais ses lèvres, s'élargissant à la vue de la vitrine. « Hé, mais c'est trop mignon ici ! Haha Ryu travaille vraiment là ? » Laisse-t-elle échapper sans contrôler le volume de sa voix. Les quelques inconnus qui passent à côté sursautent, n'ayant pas anticipé les paroles de celle qui pourtant ne s'adresse à personne. Regards jugeurs, elle ne les voit pas, pénètre à l'intérieur de la boutique et s'arrête pour laisser ses yeux scruter la pièce. Là-bas, dans le fond, une silhouette recroquevillée attire son attention. Elle resserre son emprise sur la panse de son petit sac blanc et se met à avancer  doucement vers elle, prenant garde de ne pas l'alerter. Une fois assez proche de sa cible, Mei ouvre grand ses bras et saute sur le dos de la jeune femme. « RYUUUU ! » Sa voix résonne dans tout le quartier, et lorsque le visage choqué de la victime se tourne vers le sien, Mei perd son sourire et sent son cœur se figer. « Ohlala, pardon excusez-moi ! » Elle était pourtant sûre que c'était sa colocataire... Rien du physique de celle qu'elle enlace toujours aurait pu faire penser à Jundo Ryu, mais pour une raison échappant à la plupart, la métisse les avait confondues.

Lâchant finalement prise, la candide se recule pour laisser l'inconnue se relever, le visage visiblement agacé. Mei ne peut s'empêcher de fuir le regard de la plus vieille en triturant la bretelle de son sac à main. Gamine prise sur le fait, elle attend les remontrances, mais c'est alors que celle qu'elle cherchait entre dans son champ de vision. Vive comme l'éclaire, la châtaigne se plie en deux par respect en murmurant quelques excuses avant de filer rejoindre son amie à l'autre bout de la boutique. « Ryu-Chan ! C'est toi cette fois mon Dieu vite, vite, faut partir, j'ai fait une bêtise au secouuuuuuuuuurs ! » Voilà qu'elle sert ses joues dans ses paumes, grimace illustrant l'embarras qui la gagne. « T'as fini hein ? Dis-moi que t'as fini ! » Son visage se tourne vers la femme de plus tôt qui lui renvoie un regard noir. Mei laisse échapper un couinement avant de se réfugier derrière sa colocataire, s'agrippant à ses vêtements comme si sa vie en dépendait. «Helpeuh, Helpeuh... » Un Anglais terrible, sa voix de souris n'a pas fini d'agresser toute la boutique, les fleurs aussi calmes qu'elles puissent paraître doivent être en train d'agiter leurs racines sous terre tandis que la drama queen continue de gémir.

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Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres jours, les cernes sont marqués sur le joli minois de Ryu. Depuis un moment, elle réfléchit à comment quitter cette ville qui lui court sur le haricot. Au début c’était marrant, puis après le sentiment de solitude est vite monté. Tous ceux qu’elle connait se trouve à Tokyo – pourquoi est-ce qu’elle n’y est pas allé en premier lieu ? Parce que les parents connaissent mieux le sud que la capitale. Bien sûr. Les vieux sont gentils, mais les bars sont assez habitué de voir la brune presque tous les soirs. Elle s’ennuie dans cette boutique aussi – l’envie d’ouvrir la sienne, de se faire un nom là-haut, montrer que les fleurs sont une bénédiction pour ce monde... Plus personne n’apprécient assez ces plantes. Récemment, une jeune fille a atterri dans la vie de la fleuriste. Un peu perchée sur les bords, ignorante, parfois chiante, elle n’en reste pas moins attachante. Puis son histoire rappelle beaucoup trop celle de la japonaise, livrée à elle seule dans ce pays presque inconnu à ses yeux. Un soupir s’échappe de ses lèvres. Aujourd’hui, comme depuis un moment, Ryu ne trouve plus l’inspiration pour des combinaisons florales. Elle touche vainement les pétales, rêvassant.

Pas la moindre réaction quand son amie arrive devant la boutique. Pas la moindre réaction quand elle crie devant. Pas la moindre réaction quand elle rentre pour se préparer à sauter sur une de ses collègues. Ce n’est qu’en entendant son prénom, hurlé à gorge déployé, que la jeune femme secoue la tête pour sortir de ses pensées. Cette voix, elle la connait. Doucement, elle se lève et se dirige vers l’endroit d’où venait le cri. Là, sans même être préparée, Mei accourt vers elle, confuse. Elle s’exclame qu’elle a fait une bêtise – vu le regard de sa partenaire de travail, ryu grimace. « Mais putain... » qu’elle soupire avant de se courber vers la victime en s’excusant. Rapidement, elle s’empare du bras de la brunette pour l’emmener à l’écart. « Je peux pas te laisser seule deux minutes sans que t’emmerdes la galerie, Mei. » Les bras croisés, la sagittaire jette un œil à l’horloge murale non loin. « T’as de la chance que ça soit la fin de mon service. Vraiment. » dit-elle en récupérant son sac.

Une fois sorties, les deux femmes se dirigent vers la station de métro – Ryu n’a pas son permis. Elle a ni l’envie, ni le besoin de l’avoir. « Tu t’es bien occupée des poissons j’espère. » Un coup de poker, proposer à sa colocataire de s’occuper de l’aquarium. Au fond, la fleuriste regrette, mais c’est trop tard. Pour essayer de se rassurer, elle sort son téléphone et lit ses messages. Un sourire étire ses lèvres en lisant ceux de Nobu. Elle rit, même, inconsciemment. Cet homme, cet ami, ce mec qu’elle veut voir plus qu’elle ne l’avoue, une raison pour laquelle la belle veut vivre à Tokyo. « Au fait, j’pense décaler à Tokyo dans pas longtemps, tu me suis ? » assise en face de son amie dans le métro, elle passe sa main dans sa chevelure. « J’m’emmerde ici, on peut se trouver une coloc’ à la capitale, tu trouveras du boulot peut-être aussi. » Enfin, plus qu’à Osaka en tout cas. « J’ai mon meilleur ami là-bas, ça sera plus pratique pour le voir aussi. » Meilleur ami est un mot faible pour décrire leur relation, mais Ryu n’ose pas trop s’étaler sur le sujet. De toutes façons, Mei lui posera les questions si elle veut.

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Les lèvres se pincent, le regard est ailleurs, elle suit l'autre sans se débattre en sifflotant, et puis quand la voix devient réprimande, elle fait la moue, adressant un regard faussement blessé à celle qui semble déjà agacée. « Bonjour Mei Mei ! Merci d'être venu me chercher à la boutique Mei Mei ! Vraiment, je peux toujours compter sur toi... Mei Mei. » Dernière phrase prononcée avec moins de conviction, la gamine détourne le regard pour le poser sur une fleur qu'elle trouve soudainement très intéressante. « Ohhhh, c'est beau ça, c'est quoi ? On la prend pour décorer la cave ? » La cave, qu'elle aime l'appeler, car on ne peut vraiment pas appeler ça autrement. Deux matelas, un évier, une télé, c'est suffisant pour ces deux empotées.


Et puis Ryu lui annonce qu'elle est prête à partir. Mei se redresse et enroule son bras autour de celui de sa coloc avant de se mettre à avancer, jetant un dernier regard furtif à la victime de son inattention tandis qu'elle passe la porte pour se glisser dehors. « Sont toujours aussi aimables tes collègues ? » Elle frissonne, grimace, puis retrouve son sourire comme si rien ne venait de se produire. « Ahhhh, je suis bien contente de te voir Ryu Chan. T'as pas idée de l'ennuie que j'ai pu éprouver sans toi aujourd'hui. » Et elle est honnête la mignonne, elle a passé l'intégralité de sa journée à se faire les ongles devant Netflix.


Les filles s'engagent dans le métro, Mei sort son ticket de la poche de son sac pour le passer dans la machine avant d'attendre sa semblable de l'autre côté. Elles atteignent le quai, n'ont même pas besoin d'attendre pour monter dans le train arrêté. Le sujet des poissons est alors évoqué. Mei se raidit, elle a totalement oublié de nourrir les petits protégés de son amie. « Oui ? » Elle ne sait pas mentir, brune, encore moins à Ryu. La jeune femme ne réagit pas plus que ça, plonge son regard dans l'écran de son téléphone à la place. Mei se détend, l'observe, attend qu'elle parle. L'idée de retourner à Tokyo sonne merveilleusement bien dans les oreilles de la sino-japonaise, Osaka, c'était amusant au début, mais les filles sont vite entrées dans une routine qui leur a annihilé leur joie de vivre. Et puis tout ce que connaissait la bourgeoise se trouvait à la capitale. Elle se laissait croupir ici. « C'est pas une mauvaise idée. Va falloir l'annoncer aux vieux. » Et Mei ne doute pas qu'ils risquent de célébrer ça, car même si Mei est gentille, elle est légèrement envahissante. Ryu lui parle finalement de son meilleur ami, qu'elle avait dû mentionner quelques fois auparavant, sans plus. Mei la regarde, les sourcils foncés. Elle a remarqué le petit sourire qui s'est dessiné au coin de ses lèvres à la fleuriste, toujours aussi concentrée sur son écran. « Ça fait plaisir de venir te chercher. Si j'avais su que tu passerais le trajet à échanger avec je ne sais qu'elle abruti que tu tentes de brancher cette fois, j'aurais pas fait le déplacement. » Il y a une pointe d'agacement dans la voix de la comédienne. Sans plus, elle se détourne de sa voisine et croise ses bras sur sa poitrine avant de s'enfoncer dans son siège et de planter son regard sur l'extérieur du wagon.