my love, the sun (shinju)

Visiter, c’est cool. Mais marcher et observer la ville, c’est bien aussi. Et si Zoe est plus fervente de la première, elle apprécie parfois le calme que lui apporte la deuxième. Y’a quelque chose dans le fait de juste marcher dans la ville qui lui fait se sentir libre. Et quiconque est là haut sait que la liberté, c’est la chose la plus importante pour Zoe. L’indépendance. Le calme de la solitude. La vraie solitude. Celle d’esprit, pas la physique. Zoe aime d’ailleurs pas être seule. En général, elle trouve toujours une personne dans chaque ville pour passer les six mois avec elle. Une personne à qui elle s’attache un chouilla plus qu’aux autres. Ça peut être sous un signe d’amitié, ou même parfois de famille retrouvée. Ou parfois, c’est des Tanja. Parfois, c’est des romances courtes. Qui se terminent en général plutôt bien. Les personnes acceptent de rester de simples amis. Avant de changer de carte sim, Zoe récupère les numéros de ceux avec qui elle aime garder contact. Y’a Bill, de Berlin, y’a Leo, de Paris, y’a Sofia, de Barcelone, et Jesus, de Caracas. C’est des personnes avec qui elle a gardé contact. Certains avec qui elle sext parfois. Certains avec qui elle facetime sur whatsapp jusqu’à trois heures du mat. Puis y’a ceux comme Tanja… Enfin. Bref. Elle a pas encore trouvé cette personne, à Tokyo. Mais elle est là depuis si peu de temps, ça a rien de surprenant. Le monde est grand, et elle a parfois l’impression que Tokyo est un petit monde en soi. C’est surprenant. Fascinant.
La tête dans les nuages, elle finit par arriver à un parc. Et pas un petit parc. Style énorme parc. Y’a des familles, y’a des couples, y’a des étudiants. Les arbres sont canons, la genre de mare avec la fontaine est magnifique. Zoe sort sa caméra main, et filme. Pas le temps de réfléchir plus que ça. Elle doit faire découvrir cet endroit. Il est bien trop beau pour qu’elle le garde juste pour elle. Elle marche, la caméra en main, prenant des plans de nature. Elle essaye le plus possible d’éviter les gens pour pas avoir de soucis avec les droits d’image, puis pour pas déranger leurs moments privilégiés. Elle finit par baisser la caméra au bout d’un moment. Parce que c’est bien, de pouvoir reporter, de pouvoir montrer, de pouvoir faire profiter les autres d’une belle vision. Mais c’est important pour elle d’en profiter. Elle-même. De respirer l’endroit, de s’en imprégner. Et elle sait déjà que cet endroit va devenir l’un de ses préférés pour la durée de son séjour. Elle finit par s’assoir à un spot qui lui semble libre. Et en plus d’observer le paysage, elle se met à observer les gens. Particulièrement, elle commence à observer une petite fille qui joue avec son chien. Et ça la fait sourire. C’est si naturel, si réel. Y’a quelque chose de naïf qui se dégage de la gamine, et c’est quelque chose qui lui manque, à Zoe. Elle a jamais trop eu la chance d’avoir cette naïveté. Cette enfance là. Elle baisse pas les yeux, se plonge pas dans de mauvais souvenirs. Se rattrape au fait que si elle n’a pas pu vivre ça, elle vit bien plus depuis neuf ans, et ça rattrape largement toute l’enfance qu’elle n’a jamais réellement pu vivre normalement. À croire que c’est pas prévu pour Zoe, de vivre normalement.
Elle finit par s’allonger, s’arrange pour que le soleil lui arrive sur le visage. Et ferme les yeux. Lorsqu’elle ne le sent plus, le soleil, elle rouvre les yeux et trouve la raison de son manque de rayons UV. Elle finit par s’assoir et avec une voix mi amusé, mi moqueuse, lance un “Hey pssst, vous pouvez vous décaler ? J’ai besoin de ma dose d’UV journalière ?” Il/Elle est en contre jour, et Zoe ne voit que la silhouette de la personne, alors elle plisse les yeux et se fait une visière de ses mains. Toujours impossible de voir à quoi la personne ressemble. Mais ça la fait rire. Elle aime ce genre de rencontres. Impromptues.

Non seulement il lui est impossible de voir à qui la personne ressemble, mais en plus elle a l’impression que la vibe entre elles deux n’est pas très positive. Zoe n’est pas surprise, son ton pourrait en déranger certains. Et quand c’est le cas, elle a tendance à se dire que c’est en général des personnes qui ne savent pas vraiment prendre une blague, et elle passe à autre chose. À quelqu’un d’autre. Elle sait que c’est une femme, par ce que sa stature peut la faire penser. Et Zoe est presque prête à se lever et à trouver un autre spot pour s’allonger et profiter du soleil lorsqu’elle se fait tacler par. Quelque chose. Il lui faut pas longtemps avant de comprendre que c’est un chien. Et qu’il lui veut pas de mal. Il veut probablement jouer avec elle. Faire ami ami avec elle. Et elle sent un bout de langue sur son visage. Manifestement, il veut aussi la lécher. Et il y parvient un peu. Pas que ça la dérange, Zoe. Elle trouve ça marrant, puis elle aime vraiment beaucoup les animaux. Particulièrement les chiens, d’ailleurs. La voix qui reproche l’attitude au chien, qui semble manifestement s’appeler Kofuku vient de là haut. De la silhouette. Et Zoe comprend que c’est son chien. Alors Zoe sourit. Quelqu’un qui a un chien qui a l’air si gentil ne peut pas être si mauvaise que ça. Et sa réponse, bien que le ton soit plus sarcastique qu’amusé, la fait doucement rire. Zoe essaye de passer outre le ton, se dit que c’est une juste réponse à son ton légèrement moqueur (qui n’était pourtant pas méchant). Et elle se relève légèrement, approchant sa main du chien au bout de la laisse. Elle regarde la fille, les yeux plissés à cause du soleil, mais le sourire évident sur ses lèvres. “C’est la meilleure crème hydratante du monde, je suppose.” qu’elle lâche avec un léger rire. Elle se décale légèrement sur la droit, laissant le spot dans l’ombre pour se mettre de nouveau au soleil et tapote l’herbe à côté d’elle à la fille avec le chien. “Ça te dit de venir t'asseoir ?” Elle lui propose parce que ça la dérangerait pas de discuter un peu avec quelqu’un de nouveau. Une nouvelle personne, une nouvelle connaissance à mettre à son répertoire de gens qu’elle a rencontrés à Tokyo. Puis elle a un chien. Et c’est un énorme plus, d’avoir un chien.