(fb) hot stuff ☼ nori

Le travail, il avait pas vraiment envie de partir aujourd'hui. Il les aime beaucoup, les colocs. Surtout Sera. Elle est d’ailleurs la seule en qui il a confiance. Mais les autres lui font un peu peur. Un peu beaucoup, même. Y’a quelque chose chez eux. Surtout chez certains d’entre eux, qu’il trouve inquiétant. Certains qui lui font peur parce qu’ils sont trop bruyants. Actuellement, elle pense surtout à l’un d’eux en particulier : Reo. Y’a quelque chose chez lui qui lui inspire pas confiance. Ou non, pas vraiment… C’est pas qu’il lui inspire pas confiance, mais il lui fait peur. Oui. C’est ça. Y’a quelque chose chez lui, peut-être le fait qu’il soit bruyant, trop bruyant, qui lui fait peur. Très peur. Pas lui, mais le bruit. Et Nori sait pas vraiment comment distinguer le bruit du...bruit. Ce qui devrait lui faire peur, de ce qui devrait lui faire pas grand chose. Il dit au revoir à ses collègues, et finit par sortir du café en prenant soin de bien mettre sa capuche et son masque. C’est les gens de la coloc qui le lui ont conseillé pour qu’il se rassure que Takeji ne le suivra pas. Même si, c’est plutôt Sera qui l’y oblige. Parce qu’en réalité, Nori a encore un peu de mal à réaliser le problème qu’était Takeji dans sa vie. Mais il préfère ne pas ignorer les demandes de Sera. Il n’a en rien envie de la décevoir si tôt après qu’il ait commencé à vivre avec elle et les autres. Alors il accepte et se couvre totalement pour être sûr que Sera sera contente lorsqu’elle le verra rentrer totalement couvert.
Il marche dans la rue, croise des gens, et automatiquement se décale pour les éviter. Pour mettre le plus de distance entre eux et lui. Et il continue à marcher jusqu’à la maison qu’ils partagent. C’est pas vraiment une maison, c’est un appartement sur plusieurs étages. C’est énorme, et Nori ne comprend toujours pas trop bien comment il a réussi à se faire inviter dans cet endroit. Endroit bien trop bien pour lui. Il ouvre la porte d’entrée mais bien vite la referme. Il y a tellement de bruit. Nori a peur. C’est de la musique, forte. Et Nori sait qu’il ne devrait pas avoir peur de la musique. C’est juste que parfois, Takeji mettait de la musique quand il le disputait, pour que les voisins l’entendent pas. Et si c’était ça, là aussi. Et si… Et si deux personnes étaient en train de se disputer et qu’ils avaient mis la musique fort justement pour pas que les autres les entendent ? Nori a peur de rentrer. Mais d’un autre côté, il doit bien rentrer chez lui, non ? Rentrer dans le salon, et faire ce qu’il fait de mieux, le repas. Le ménage, et tout le reste. Alors il rouvre la porte doucement et essaye de se faire le plus petit possible. Le plus petit. Lorsqu’il arrive dans la cuisine sans aucun bruit, Reo est là, en train de se déhancher dans la cuisine. La cuisine. Si Reo est là, comment il va faire, Nori pour préparer à manger. Ou même déjà pour se préparer simplement le petit encas dont il a besoin pour rester debout à cette heure là, après le retour du travail.
Alors il reste planté là, entre l’entrée et la cuisine, sans trop savoir quoi faire. Il ne sait pas. Quoi faire.

Spoiler:

Reo fait partie de ce type de personnes face à qui Nori ne sait jamais comment réagir. Pas que d’habitude il sache comment réagir face aux autres personnes. C’est jusqu’à qu’avec Reo c’est encore pire. Il a l’air toujours excité. Toujours heureux. Toujours content. Toujours à fond tout le temps et partout. Comme s’il n’était constitué que d’une énorme réserve d’énergie. Nori ne comprend pas les personnes comme ça. Ou peut-être qu’il le comprendrait qu’il n’avait jamais rencontré le chemin de Natsuo. Qui sait, peut-être même qu’aujourd’hui, il serait exactement pareil. Il peut pas savoir. Et il est pas certain de vouloir savoir. De vouloir se dire que peut-être il aurait pu être quelqu’un de beaucoup heureux. Non. Il peut pas penser ça. Il était heureux avec Natsuo. Natsuo le protégeait. Maintenant, il est dans cette colocation avec des gens qu’il connaît pas à part Sera. Et en vrai, certains lui font peur. Il réalise qu’ils font attention quand il est aux alentours. Il sait pas vraiment pourquoi. Mais il apprécie. Parce qu’il a l’impression qu’ils font attention à lui. Qu’ils réalisent sa présence. Qu’ils le considèrent comme une vraie personne. Et il se dit que, pour qu’ils fassent autant attention à ce qu’ils font ou ce qu’ils disent quand il est aux alentours, c’est peut-être que Sera et Daisuke leur a parlé de lui, et de son histoire. Et même si ça lui fait bizarre de se dire que d’autres personnes connaissent peut-être les tenants et aboutissants de son ancienne relation, il se dit aussi que c’est peut-être mieux comme ça. Comme ça ils savent ce qu’il faut pas lui dire, ou de quoi faut pas lui parler. Même si ça le gêne, de savoir que certaines personnes se sentent probablement obligé de faire des choses (ou plutôt de pas les faire) juste pour son bien-être à lui. Il se sent égoïste. Et il déteste ça, être égoïste. Mais il se dit que c’est peut-être mieux ça que d’être H24 à être terrifié, ou seul dans sa chambre (même si c’est finalement ce qui finit par se passer la plupart du temps).
Le fait d’arriver dans la maison et de voir qu’il n’est pas seul, que la musique lui éclate les tympans, et que la place qu’il occupe en général dans la cuisine est prise, ça lui fait monter un sentiment de stress qu’il préfère en général réussir à éviter. Et généralement, il y parvient. Cette fois-ci, il y arrive pas. Parce qu’il peut pas s’en protéger. Parce que, malgré lui (Nori sait qu’il peut pas leur empêcher de vivre), Reo lui impose son bruit, et Nori veut surtout pas s’imposer à lui.
Il regarde vers l’escalier qui mène aux chambres, essaye de se demander s’il serait possible pour lui de passer inaperçu le temps de l’atteindre. Juste le temps de se détendre dans sa chambre, le temps que Reo laisse la cuisine. Alors il pourrait y redescendre et préparer le repas comme il comptait le faire de base. Mais il a pas vraiment le temps de plus réfléchir que Reo le voit. Et Nori voit la panique passer sur son visage. Il fronce légèrement les sourcils à voir quelqu’un se comporter comme ça à cause de lui. Il est désolée qu’ils aient à changer leur façon de vivre, juste pour lui. Il devrait pas être aussi égoïste. Ils sont déjà bien assez gentils à accepter de le laisser rester vivre avec eux. Puis Nori préfère même pas imaginer à ce qu’il se passerait si Natsuo apprenait qu’il vivait ici, avec eux. Est-ce qu’ils seraient en danger ? Nori a vu de quoi Natsuo était capable. De près. Et il a peur pour eux. Il se met à parler, l’autre garçon, et Nori l’écoute. Il parle beaucoup, mais ça le dérange pas Nori. Il aime bien le silence, mais pas quand c’est gênant, pas quand c'est forcé. Et il sait que quelque sorte de silence, en compagnie de Reo, serait forcé. Il l’écoute lui poser des questions sur la musique, le style de musique qu’il écoute. Et Nori répond pas, reste juste sur place, se sentant malgré lui agressé par les nombreuses questions de son colocataire. Et finalement il lui dit qu’il prépare des ramens pour tout le monde. Pour tout le monde. Il est en train de préparer le repas. Et ça le dérange, Nori. Parce qu’il aurait pu le faire. Puis dans un coin au fin fond de son esprit, il se dit qu’il aurait pu préparer quelque chose de bien plus intéressant que des ramens. Mais il chasse cette terrible pensée parce que c’est gentil de sa part, de préparer le repas. Alors il essaye de sourire, échoue, et finalement assume de ne rien pouvoir répondre en baissant la tête. Il s’apprête à enfin faire un pas vers l'escalier pour monter lorsque Reo reprend la parole, lui proposant de l’aider. Et c’est une idée qui l’intéresse. Presque qui le conforte. Oui. L’aider. Ce serait bien qu’il l’aide. Il hoche la tête silencieusement et, chaussures et manteaux enlevés, s’approche de la cuisine. Il prend les nouilles et une grande casserole d’eau. S’il y a bien quelque chose qu’il a apprit rapidement en faisant la cuisine, c’est qu’il n’y a jamais trop de nourriture, mais bien souvent pas assez. Il répond pas aux questions de Reo. Pas parce qu’il n’a pas envie de répondre mais parce qu’il ne saurait pas vraiment quoi dire. Mais c’est pas poli, de pas répondre, alors après quelques secondes (parce qu’il sait que s’il attend plus longtemps, Reo reprendra la parole), il lance un “Je vais bien merci. Et toi ?” Parce qu’il est sûr que Reo, après cette question, pourra tenir la conversation par lui-même. Puis. Nori, ça le dérange pas d’écouter. Il se concentre sur sa tâche, essaye de ne pas trop penser au fait d’être dans cet espace relativement serré avec un quasi étranger. Et une fois les nouilles misent sur le feu, se prépare enfin le petit encas dont il rêvait depuis qu’il avait passé le pas de la porte.

Il sait pas trop comment il va faire pour s’échapper de cette situation. Il n’est pas même sûr que ce soit trop possible. Il doit surveiller les pâtes, et finir de préparer son petit encas. Minuscule, surtout si le repas est quasiment prêt et qu’ils sont sur le point de dîner. Puis il sait que d’ici à ce que ce soit terminé, y’a peu de chances pour que Reo lui lâche la patte. Il continuera probablement à parler, même si Nori ne l’écoute pas. Mais c’est ça le truc. Le truc étrange. C’est que Nori l’écoute. Pas que ce qu’il dise soit particulièrement intéressant ou quoi. Mais y’a quelque chose dans sa voix. Peut-être quelque chose de positif, d’optimiste, qui réussit à le recentrer sur un monde pas seulement négatif, pas seulement sombre. Parce qu’il connaît pas vraiment ça, Nori, la lumière. Certains iraient jusqu’à dire qu’il sait pas ce qu’est le bonheur, mais Nori est pas d’accord avec ça. Il était heureux avec Natsuo. Il sait que leur relation était pas “saine”, c’est ce que toutes les personnes qu’il a rencontré depuis qu’il est parti de chez lui lui ont dit. Mais il se souvient des moments de rire et de bonheur qu’il a partagé avec lui malgré tout. Et ce, qu’importe ce que les gens disent. Mais Reo c’est bien plus que ça. C’est pas juste qu’il rayonne de bonheur, mais il rayonne de pleins de choses, et seulement des choses positives, tout le temps. Et ça le rend bruyant, ça le rend excessif. Et c’est des choses qui perturbent Nori, qui lui font peur parfois, souvent. Mais c’est aussi quelque chose qui l’intrigue et qui l’attire. C’est pour ça qu’il lui laisse le loisir de parler autant qu’il le veut. C’est pour ça que la première réaction qu’il a est celle de vouloir prendre ses jambes à son cou pour s’enfuir, mais qu’une fois la discussion démarrée, il a pas plus envie que ça de s’en aller. Le yaourt dans la main, il tend la main pour attraper quelque gâteaux. Mais sa réponse à son simple “je vais bien” le prend de court. Il a l’air d’être sincèrement heureux qu’il aille bien. Comme si le simple fait que Nori aille bien aidait à ce que Reo lui-même se sente mieux. Et Nori comprend un peu. Après tout, quand Natsuo allait bien, Nori allait bien. Et quand Natsuo était en colère, Nori en souffrait. Donc il comprend ce que c’est, que d’être impacté par les sentiments et les émotions des personnes qui nous entourent. Mais il aurait jamais pensé que quelqu’un aurait cette réaction face à lui. Même Natsuo, Nori a jamais vraiment eu l’impression que ses émotions avaient une quelconque influence sur les siennes. Lorsqu’il lui dit qu’il est le meilleur, Nori peut pas empêcher le rouge de lui monter aux joues alors il se détourne dés qu’il le sent pour pas que le garçon le voit rougir. Ce serait mal venu. C’est juste qu’il a pas l’habitude d’être félicité. Surtout pour un truc comme le simple fait d’aller bien. Et enfin, enfin, Reo se remet à parler de lui. Et c’est une avalanche de mots. Nori était mal à l’aise y’a quelques minutes face à ce même style d’avalanche, mais là, ça a quelque chose d' apaisant. Il sait pas trop comment ils sont passés de l’un à l’autre, mais Nori se concentre sur ce qu’il dit. Et peut-être que ça change tout. De réellement se concentrer sur la matière, plutôt que sur la vitesse et le volume de la diction. Il parle de glace, de faire la cuisine, d’aider les autres. Il lui demande s’il veut mettre de la musique, et Nori secoue légèrement la tête. Il saurait pas vraiment trop quoi mettre, et ça l’intéresse pas trop.
Reo finit par remarquer qu’il est en train de préparer autre chose, même si préparer est un bien grand mot. Nori hausse les épaules. “C’est juste un yaourt avec des biscuits que j’ai cassé dedans. Aucune cuisine.” Il lui tend le sien et attend qu’il le prenne. Il s’en fera un autre pour lui, même si ce yaourt est le dernier à la saveur qu’il préfère et qu’il aime pas la saveur des autres. Mais c’est ce qu’il est bon de faire. Il lui a demandé s’il pouvait en avoir un, alors Nori lui en donne un. Et pas question qu’il attende.
Il sait ce qui se passe lorsqu’il fait attendre les gens qui lui demandent quelque chose. Et c’est pas agréable. Il préfère encore manger un yaourt au goût qu’il aimera pas.