Ivy pose cette poêle à frire || With Ivy

(( ootd )) - Ivy elle pourrait dire qu’elle a perdu le compte des jours, mais c’est faux. Elle n’a jamais perdu le fil, voit ses espoirs mourir un peu plus chaque jour, voit sa colère devenir peine, sa rage se muer en douleur. Elle sent la culpabilité la ronger de l’intérieur, et bientôt il ne restera plus rien d’elle. C’est forcément de sa faute si Sasha s’en est allé, c’est de toute évidence parce qu’il regrette ce qui s’est passé entre eux, ce soir là. Sans doute était-il trop ivre, ou peut-être a-t-il pris conscience trop tard de ce que tout cela impliquait. Dans tous les cas il n’est plus là, et chaque seconde qui passe la rapproche un peu plus du moment de rupture, celui où elle ne pourra plus contenir ce trop plein d’émotions. Elle est fissurée de partout Ivy, le moindre choc briserait tout. Et ce soir c’est Yuya qui lui inflige le coup de grâce.

Comme souvent c’est l’instinct qui réagit avant même qu’elle ne puisse réfléchir, et la poêle manque de peu l'épaule de son colocataire. Il n’avait pas le droit de parler de lui, pas le droit de rappeler à quel point merde, il n’est pas là avec eux. Et ah, il a encore moins le droit d’utiliser ce terme avec elle. Il est foutu Yuya. Ivy elle a la rage qui brûle dans ses yeux, les jointures de ses doigts qui se blanchissent sur le manche de la poêle. « Lâche l’assiette. » Parce que malgré tout ils ne peuvent pas se permettre de casser le peu de choses qu’ils possèdent. « Lâche cette putain d’assiette et redis un peu c’que tu viens de dire ! Tu crois qu’c’est marrant ? Pourquoi tu parles de Sasha comme s’il était mort putain ! Et pourquoi tu m’parles comme ça hein ? C’est quoi votre problème dans c’te baraque avec le respect sans déconner ! » Elle en a marre Ivy. « Il va revenir ok ? Il reviendra. »

(( ootd )) - Ce n’est pas vraiment contre Yuya qu’elle est si enragée, il n’est même pas responsable de son état. Voilà plusieurs jours qu’Ivy est une véritable bombe à retardement, comme une bouteille en verre mise sous pression. C’est tendu, ça craquèle de toutes parts. Son colocataire l’a juste effleurée, a prononcé de simples mots qui, il y a quelques jours encore l’auraient à peine fait réagir. Et elle devrait sans doute se contenir, se dire qu’il ne mérite pas de subir la tempête qu’elle devient. Mais Ivy elle ne peut pas. C’est un point de non retour, c’est des jours d’angoisse, une culpabilité qui la bouffe si fort de l’intérieur qu’elle se demande presque comment elle peut tenir debout. La vérité c’est que sa rage elle est dirigée vers elle-même, et la seule faute de Yuya aura été de l’éveiller. Et il le lui rend bien, monte en octave à son tour, s’emporte tout aussi vite. Lui fait voir rouge quand l’assiette s’écrase au sol et se brise. Parce qu’aucune colère ne justifie de perdre le peu de biens qu’ils ont. « Mais putain t’es sérieux ?! » Ivy elle s’en fout de ce qu’il dit, s’en fout qu’il cherche Sasha, s’en fout qu’il l’aime aussi. Ivy elle s’en fout parce qu’elle est à bout, que l’angoisse a pris le dessus sur la raison. Que la rage l’a emportée face au calme.

Dans le fond, elle sait bien que le terme qu’il a employé n’était qu’une maladresse, mais sa dysphorie de genre lui fait un mal de chien, lui rappelle à quel point son corps est hideux. Elle ne pense pas être la seule à aimer Sasha. Est à contrario convaincue qu’il était le seul qui l’aimait elle, peut-être. Et elle ne comprend pas tout de suite, ne devine qu’à son expression qui change ce qu’il est en train de faire. Frisson de dégoût ((envers elle-même)) « T’es taré ? Tu fous quoi ! » Ivy elle le repousse, fort. L’éloigne des morceaux de céramique, serre la mâchoire en voyant le sang. « Pourquoi tu fais ça ! Pourquoi hein ? » Sa main se lève, prête à le gifler, se baisse finalement pour passer le bras de son colocataire autour de ses épaules. « Appuie toi sur moi sinon j’te tue. » Elle ne lui laisse pas le choix, le guide jusqu’au canapé pour l'asseoir. « Bouge pas. » Passage rapide dans la salle de bain pour récupérer la trousse à pharmacie, soupire à son retour. « J’te déteste d’avoir fait ça » Parce que c’est un de plus qui souffre par sa faute.

(( ootd )) - Ivy elle s’était toujours juré d’être intouchable, que jamais personne ne pourrait l’atteindre, la faire souffrir. Ivy s’était promis d’être forte, de pouvoir tout vivre, tout encaisser, tout subir sans jamais flancher. Et elle était forte à ce jeu d’illusion, forte pour faire croire qu’elle est tout ça, princesse de glace au coeur de pierre. Si seulement ils savaient la vérité, si seulement Yuya pouvait ne serait-ce qu’imaginer le mal qu’il lui fait au travers de ses mots. Il ne réalise pas la douleur qu’elle ressent lorsqu’il sous entend qu’elle ne se préoccupe que de Sasha alors même que du peu d’argent qu’elle gagne, elle ne garde quasiment rien. Alors même que l’énorme somme qu’elle a obtenu suite à sa collaboration avec un youtubeur est allée intégralement dans le pot commun. Alors même qu’elle songe à la prostitution pour subvenir à leurs besoins. Mais elle ne sera jamais assez Ivy. Même dans l’immédiat, elle a beau ranger sa colère, mettre de côté ses ressentiments pour prendre soin de son colocataire, mais ça ne suffit pas. Lui continue dans sa rage, la blesse un peu plus à chaque parole.

Elle reste silencieuse. Encaisse sans se plaindre. N’ose même pas croiser son regard, focalisée sur son pied blessé ((par sa faute)). C’est sa punition pour avoir fait exploser sa colère : devoir se taire pour laisser celle de Yuya envahir l’espace. Lui peut crier sa rage, la laisser vivre, pas elle. C’est injuste, un peu comme tout. Mais quand il parle d’amour elle ne peut plus absorber sans rien dire, sans réagir. « Tais toi » Ça n'a rien d’un ordre, ton qui se rapproche bien plus de la supplique, voix brisée par la douleur. Il lui fait mal, bien trop. Et ah, Sasha aussi lui a dit ça. Puis s’est volatilisé le lendemain. « Tu regrettes de l’avoir dit, pas vrai ? » Qu’il l’aimerait malgré tout. Aujourd’hui il prend sans doute conscience qu’il ne veut pas l’aimer. Qu’il la subit comme tout le monde ici. « J’comprends. » Elle aussi se déteste, après tout. Retient difficilement ses larmes. « T’as des morceaux encore dans la peau » Changer de sujet, se focaliser sur la blessure pour ne pas éclater en sanglots, pour ne pas laisser voir le mal qu’il lui fait.

(( ootd )) - Elle le sait Ivy que son impulsivité était injustifiée, que rien ne l’avait autorisée à s’énerver comme ça contre lui, que malgré la maladresse de ses mots, il ne méritait pas tout ça. Mais c’est ses nerfs qui ont lâché dès les premiers mots, c’est tout ce qu’elle gardait pour elle depuis trop longtemps qui s’est échappé. La blessure volontaire de Yuya aura au moins eu le mérite de la faire revenir sur terre, de lui faire retrouver un calme de surface. Et il lui fait mal en se mutilant ainsi, il lui fait mal avec chacun de ses mots qu’elle ne peut qu’encaisser, subir sans répondre. Elle ne peut que se détester plus encore quand elle réalise tout le mal qu’elle fait autour d’elle. Finalement elle a bien choisi son prénom Ivy. Elle n’est qu’un poison. Alors elle s’efface, se tait, interdit à ses larmes de couler, les maudit même de troubler sa vue ainsi, l’empêchant de le soigner correctement. Car c’est la priorité. Qu’importe si elle souffre, elle doit le soigner lui, parce que c’est de sa faute s’il a fait ça. Mais ah, voilà qu’il s’adoucit, lui fait comprendre qu’il l’aime malgré tout. Ça soulève son coeur, ça le compresse et ça le transperce. Il ne peut pas penser ce qu’il dit. On ne peut l’aimer.

Ses mains tremblent lorsqu’elle retire les morceaux de céramique avec une pince à épiler. D’émotion. D’anxiété. C’est insultant qu’il dit, l’accable de plus de culpabilité encore. Mais Ivy accepte les reproches sans un mot, tente au maximum de se concentrer sur les soins pour ne pas flancher, mais il continue Yuya, la noie sous un torrent d’émotions en seulement quelques mots. Parce qu’il s’excuse, parce qu’il veut son bonheur. Elle ne peut que laisser tomber la pince, presser ses mains contre ses yeux pour en cacher les larmes qui débordent. Si seulement il savait à quel point elle est malheureuse. « J’suis désolée Yuya. » Désolée pour aujourd’hui, pour la veille, désolée pour toutes ces années, désolée d’être comme ça, désolée de ne pas être autrement. Désolée de se montrer ainsi, aussi. Culpabilité qui s’échappe, qu’elle lutte pour contrôler en essuyant ses yeux. « J’finis de te soigner et je… j’appellerai Nana, ou je sais pas qui tu veux d’autre pour s’occuper de toi. Ou je sais pas. J'ferai ce que tu veux. »

(( ootd )) - Tout ce qu’elle comprend Ivy face à son colocataire ((face à son presque frère)) c’est à quel point elle est insuffisante. À quel point elle le fait souffrir, comme elle fait souffrir tous les autres. Tous ici la subissent, n’osent pas la chasser. Sans doute parce qu’ils sont trop gentils, peut-être aussi parce qu’ils savent que sans eux elle n’est rien. Elle n’a jamais rien été, après tout. Rien qu’un échec, rien qu’un fléau. Leurs vies sont compliquées, elle leur rajoute des problèmes. Alors à défaut d’avoir su contenir ses larmes, elle ne les laisse couler que quelques secondes à peine, s’oblige à reprendre rapidement contenance pour se concentrer sur Yuya. Il a toujours été bien plus important après tout, elle n’a jamais compté autant qu’eux à ses propres yeux. Alors elle hoche la tête Ivy. Oui, tout ce qu’il voudra. Mais elle ne comprend pas lorsqu’il descend du canapé pour être à sa hauteur, ne sait pas quoi dire, quoi faire lorsqu’il l’enlace, lorsqu’il lui intime de laisser couler sa peine. Le noeud dans sa gorge lui fait mal tant il est serré, et ses mains tremblantes s’accrochent au dos de son vis-à-vis, l’étreignent avec force.

Il n’a pas le droit. C’est elle qui pense aux autres, c’est elle qui les ferait passer avant l’univers tout entier. Parce qu’ils le méritent, elle non. Alors si quelques larmes lui échappent encore, elle ne peut se résoudre à tout évacuer. À la place elle le serre fort fort, profite égoïstement de cette affection, de ces instants d’accalmie dans les bras d’une personne qu’elle aime tant. Elle voulait faire tout ce qu’il voulait, mais pas ça. Il n’a pas à s’occuper d’elle, certainement pas maintenant alors qu’il est blessé, que son pied n’est même pas totalement soigné. Alors après quelques instants elle le relâche finalement, renifle et s’essuie les yeux. « J’ai pas fini de te soigner » Changer de sujet, ne pas le laisser s'intéresser plus que ça à elle, pas lorsqu’elle est si proche du point de rupture, qu’un simple mot pourrait la faire craquer. « Désolée pour la poêle, alors. Tu veux bien me laisser finir de te soigner ? »