game over ((jae))

year 2015

une énième dispute. c'était devenu banale entre giichi et sa petite-amie. désormais ils passaient plus de temps à se faire la gueule qu'à passer du bon temps ensemble. ils n'étaient plus sur la même longueur d'onde. pourtant, dire ces quelques mots, prononcer cette petite phrase restait difficile. aucun des deux n'osaient faire le premier pas. giichi, parce qu'il l'aimait encore. elle, parce qu'elle n'avait tout simplement pas le courage. ou alors elle avait pitié de lui. finalement, c'est le destin qui s'en était chargé un jour sous forme d'un SMS qu'il n'était évidemment pas supposer voir. c'était une question de mauvais timing, vraiment. il n'était pas du genre à empiéter sur l'espace privé de ses partenaires. quand il était en couple giichi vouait une énorme confiance à sa moitié. une relation sans confiance n'en était pas une. il s'était emparé du téléphone de sa copine parce que le sien était complètement vidé de sa batterie et il avait besoin de passer un coup de fil urgent. alors qu'il tapait le numéro, un nouveau message était apparu à l'écran. encore une fois, giichi ne comptait pas l'ouvrir. son doigt avait juste malencontreusement appuyé sur la notification qui l'avait mené instantanément au message complet.

[c'est quand tu comptes dire à ton mec que tu te tapes son meilleur ami? je me sens trop mal à chaque fois que je le croise et qu'il me parle de toi. gii-kun est un mec bien, arrête de te foutre de lui. il finira par l'apprendre un jour et vaut mieux que ça soit toi qui lui dise. bref, n'oublie pas notre rdv chez l'esthéticienne demain après-midi. bisous.]

il avait fermé le message, les mains tremblantes, puis s'était efforcé de passer son coup de fil urgent. entre temps, elle était sortie de la douche, le sourire aux lèvres. giichi lui avait tendu son portable sans même un regard. t'as un nouveau message. elle s'était emparée du téléphone, les sourcils froncés, surprise de la froideur avec laquelle il s'addressait à elle. et puis elle s'était rendu compte que la notification de nouveau message ne s'affichait pas en haut de l'écran, signifiant que le message avait déjà été ouvert et lu. pétrifiée, elle lu  le sms à mainte reprise tandis que giichi remplissait sa valise pour elle. elle balbutia quelques excuses incompréhensibles, d'abord désolée, puis lorsqu'elle remarqua que ses excuses tombaient dans les oreilles d'un sourd, la colère se dessina sur ses traits et elle finit par cracher son venin. de toute façon, tu ne me mérites pas, espèce de couilles molles. j'ai essayé de te donner une chance, d'être compréhensive mais t'as fait aucun effort. à quoi ça sert d'avoir un petit-ami si il peut même pas me baiser. va te faire foutre! la porte s'était refermée sur ses mots et giichi avait éclaté en sanglots. en colère contre tout. elle, lui, et lui-même. ce soir là, il n'avait pas fermé l'oeil une seconde.

[il faut qu'on parle.]

il avait fixé l'heure du rendez-vous avec son meilleur ami. non. avec jae. il ne pouvait plus l'appeler ainsi. désormais, il était tout simplement jae. sun jae. le parc dans lequel il se trouvait était ironiquement le témoin d'une demande en mariage. il observa la future mariée fondre en larme et giichi se demanda si la vie aimait se foutre de sa gueule. il détourna le regard, amer. est-ce que jae osera se montrer? il devait surement déjà être au courant de ce qu'il s'était passé hier soir. elle avait surement couru à l'appartement de ce dernier après que giichi l'ait mise à la porte. ils avaient surement passé la nuit ensemble. jae l'avait surement réconforté. montrer ce qu'était un vrai homme. épuisé, giichi ne prit pas la peine de relever le regard lorsque le jeune homme se planta devant lui. pourquoi?

year 2015

si giichi ne connaissait pas son meilleur ami, non jae, si giichi ne connaissait pas jae comme sa poche, il aurait cru que le jeune homme n'avait aucune idée de ce qu'il foutait ici. mais cela faisait près de quatorze ans que les deux ans traînaient ensemble, giichi l'avait vu passé de petit  garçon muet et réservé à un jeune homme sociable et plein d'assurance. sun jae n'était plus un mystère pour lui. alors lorsqu'il débarqua, sourire aux lèvres, posture décontractée et blagues toutes faites sur le bout de la langue, giichi sentit une rage se former au plus profond de lui. il traitait la situation comme une blague. et peut-être que c'en était une et que giichi était le dindon de la farce. cela expliquerait pourquoi il n'avait pas envie de rigoler mais jae, oui.

il ignore la main tendue, détournant le regard. il ne pouvait supporter de le regarder plus de quelques secondes, le dégoût se dessinant sur ses traits. fais pas l'idiot, tu sais très bien pourquoi on est là. fais pas l'idiot, arrêtes de me prendre pour un con. ce petit jeu avait assez duré. depuis combien de temps se foutait-il de sa gueule au juste? ça avait du être marrant d'écouter giichi se plaindre de son couple qui partait en couille, lui donner des conseils bidons, lui promettre que ça finira par s'arranger alors qu'il était l'un des principaux coupables. j'ai menti, le rouge ne te va absolument pas, je voulais juste pas te vexer. le rouge lui allait à merveille contrairement à giichi qui ne portait que des vêtements aux couleurs sobres. là encore une victoire pour monsieur sun jae. giichi détestait l'admettre surtout en ce moment particulier. parce qu'encore une fois, il se sentait de nouveau recalé au second plan. jusqu'à maintenant ça ne l'avait jamais autant embêté. il n'avait jamais vraiment ressenti de jalousie. les filles l'approchaient au collège et au lycée juste pour avoir l'occasion de parler à jae et décrocher son numéro. giichi acceptait volontier de jouer le rôle d'entremetteur. il était par dessus tout content que son ami arrive à se faire une place ici, peu importe que ça soit en tant que le mystérieux beau gosse avec son gentil mais pas très beau meilleur ami.

juste dis moi pourquoi, qu'on en finisse au plus vite. c'est tout ce qu'il voulait savoir. qu'est-ce qui l'avait poussé à saboter une amitié de plus d'une dizaine d'années. pourquoi sa copine et pas une autre? la plaie ouverte par jae était plus douloureuse que celle laissée par sa copine. sans doute le nombre conséquent d'années passées ensemble. quatorze avec jae contre deux avec sa copine. malgré les moments intimes partagées entre giichi et elle, ils leur restaient encore énormément de choses à apprendre l'un de l'autre. il pouvait la catégoriser comme une petite phase de sa vie mais jae, lui, représentait toute son enfance et adolescence. les meilleurs moments d'une vie. toi aussi, t'as fait semblant de m'aimer? peut-être qu'il n'avait jamais voulu de la compagnie de giichi. peut-être que giichi aurait du le laisser tranquille, tout seul, dans son coin. le laisser s'effacer, rester invisible aux yeux de tous.

year 2015

c'est arrivé comme ça. on t'aime. j'ai voulu te le dire. plus rien ne faisait sens. tout sonnait faux. il avait envie de croire que tout cela n'était qu'un mauvais rêve, que s'il fermait les yeux, il se réveillerait aux côtés de sa copine, que la trahison de son meilleur ami n'aurait été qu'un cauchemar. et pourtant, les signes étaient là, giichi les avait juste ignoré. sa confiance l'avait rendu aveugle. peut-être était-il en quelque sorte responsable? elle n'était pas une mauvaise personne. jae aussi n'avait pas vraiment mauvais fond. leurs actions n'étaient pas irréprochables mais il y avait sans doute une raison derrière elles. peut-être que si giichi n'était pas si incompétent, peut-être que s'il était comme tout les jeunes hommes de son âge, peut-être que s'il avait réussi à la satisfaire, elle ne se serait pas tournée vers un autre homme. après tout, c'était naturel de vouloir ressentir du plaisir, d'assouvir ses pulsions. peut-être que giichi lui en demandait trop. après tout c'était lui l'outcast. lui, différent des autres. elle lui avait sans doute fait une faveur. toutefois, elle aurait pû être plus honnête. ils s'étaient jurés que la sincérité serait le pilier de leur relation. elle n'avait pas tenu sa promesse.

jae, lui, n'avait aucune excuse. il bafouillait, tentant de lui donner une explication que lui même n'avait pas. giichi, aussi, avait essayé de justifier les actions de son ami. il y avait pensé toute la nuit. les actions de sa copine pouvaient toujours se justifier d'une façon ou d'une autre. il n'avait pas été le meilleur des petits amis. il pouvait l'admettre. il avait failli, involontairement, mais il pouvait l'admettre. en tant que meilleur ami, il n'avait jamais fait de mauvais pas. il n'avait jamais failli jae. un meillleur ami exemplaire. un frère de coeur, presque. alors qu'est-ce qui avait failli? ça fait combien de temps que ça dure? la réponse allait surement l'achever. cette histoire ne semblait pas dater d'hier. pendant combien de temps s'étaient-on foutu de sa gueule? si certains de leurs amis étaient au courant ça voulait bien dire que cela faisait un bon moment que cette relation clandestine avait commencé.

il avait eu peur de blesser giichi alors il a fermé sa bouche? ou alors il avait peur des conséquences pour sa propre personne? la peur de blesser giichi n'avait pas semblé l'envahir toutes les fois il s'était envoyé en l'air avec sa copine. hypocrite. menteur. une fine brise un peu plus forte que les autres effleura leur visage et le parfum de jae l'enveloppa. un parfum qu'il avait appris à apprécier, autrefois synonyme de confort, de familiarité. autrefois doux, maintenant nauséabonde. les futurs mariés passèrent main dans la main devant eux, souriant et la tête dans les nuages. la bague de fianciaille brillait fièrement sur l'annulaire de la jeune femme. et giichi avait l'impression que ce couple n'existait juste pour le narguer. pensée complètement irrationnelle, les amoureux n'avaient probablement pas remarqué sa présence. un peu plus loin sur l'air de jeux du parc deux petits garçons s'amusaient à se partager une balançoire. lorsque l'un était assis, l'autre se chargeait de lui donner de l'élan. leur amitié avait aussi l'air de narguer giichi. tu t'entends parler? tout ce que tu dis n'a aucun sens. il y a un gros écart de la taille d'un océan entre ce que tu racontes et ce que tu fais. alors c'est quoi la vérité? tu peux être honnête cette fois-ci. tu pourras pas me blesser plus que tu ne l'a déjà fait de toute façon. il alluma l'unique cigarette qui se trouvait dans sa poche, il du s'y prendre à maintes reprises à cause du vent qui soufflait de plus en plus fort. il avait arrêté de fumer, du moins il ne le faisait qu'occasionnellement maintenant. c'est pour ça qu'il ne se baladait qu'avec une ou deux barre de nicotine et non une boîte entière. putain de merde, assume! assume tes conneries pour une fois. si t'as pas pu être honnête depuis tout ce temps, c'est de ma faute?! si t'as couché avec ma copine, c'est la faute au hasard, pas la tienne, hein?!

year 2015


il crachait sur des années d’amitié. il les piétinait comme si tout cela n’avait jamais rien signifié pour lui. et peut-être que c’était vrai. peut-être que jae lui disait enfin ce qu’il avait sur le coeur pendant toutes ces années. s’était-il forcé à supporter giichi? aurait-il dû le laisser moisir au fin fond de la classe? il aurait dû garder sa bonté pour lui tout seul et se la fourrer dans le cul. maintenant que jae n’avait plus besoin de lui, sa présence lui était devenue étouffante. giichi avait l’impression d’avoir été utilisé puis jeter à la poubelle comme une vieille chaussette sale. il pensait surement que cette dernière pique l’atteindrait mais honnêtement giichi détestait cette part de lui-même aussi. sa différence, ce poids lourd. la cause de tout ce bordel. tu l’aimes? il pouffe. que c’est mignon. il pensait surement vivre son histoire d’amour interdite, à la roméo et juliette. et c’est réciproque? ou alors ça te satisfait de servir de sextoy humain? il plonge ses yeux dans ceux de jae et il y voit la colère mais aussi une fissure. où était passé ce charisme qu’il avait construit au fils des années? ça te plaît d’être la roue de secours? on l’a rencontré en même temps. elle aurait pu devenir ta copine dès le départ. ça fait quoi de regarder la nana pour qui tu craques flirter avec ton meilleur pote?

si ses déductions étaient bonnes et que jae avait des sentiments pour elle depuis le début, la jalousie avait dû le ronger pendant des années. peut-être même en était-il venu à détester giichi de posséder ce qu’il ne pouvait pas avoir. pas étonnant qu’il ait sauté sur la première occasion. il se redressa aussi, crachant sa fumée de nicotine sur son ancien ami. une fumée aussi toxique que ses paroles. elle n'en avait rien à foutre de toi avant et elle en a toujours rien à foutre. t'étais juste la bite la plus proche de disponible. ne te fais pas d'illusions, elle disparaîtra sûrement lorsqu'elle tombera réellement amoureuse. il voulait le blesser. il voulait qu'il soit aussi misérable que giichi. peut-être qu'il se trompait sur toute la ligne. que leur amour était vraiment réciproque et que c'était lui qui préférait s'imaginer le contraire, par jalousie, par rancœur. blesser pour ne pas être le seul à souffrir. un peu égoïste, oui. il détestait l'admettre mais ça lui faisait du mal de blesser jae. cela prendra du tout avant qu'il n'arrive à laisser derrière lui tout ce qu'ils avaient vécu ensemble. il avait autant envie de le serrer dans ses bras que de lui mettre son poing dans la figure. lorsqu'il se sentait triste ou avait le moral à plat c'était vers ce dernier qu'il se tournait généralement. maintenant les rôles étaient inversés. jae était le coupable responsable de son chagrin.

year 2015

non. non. ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire. il n'avait jamais pensé ainsi de jae. il avait voulu blesser le jeune homme et maintenant que c’était fait il regrettait déjà. il l’avait fait se sentir misérable et étrangement cela ne changeait rien à la situation de giichi. il se sentait toujours aussi con, toujours aussi incompétent. merde, sa copine prévoyait déjà un futur sans lui, avec jae. elle qui ne cessait de lui répéter d’arrêter de penser à l’avenir et de profiter du moment présent. giichi pouvait essayer de retourner le situation dans tous les sens et la conclusion serait toujours la même : le clown de l’histoire c’était lui et personne d’autre. il se rassoit, les paroles de jae agissant comme un tacle ayant affaibli ses genoux. il se sentait ridicule et humilié. il était fatigué, giichi. fatigué de perdre les personnes qui lui étaient chères. sa mère, son père, et maintenant sa copine et son meilleur ami. qui l’avait maudit? que faisait-il de travers?

il ne répond pas parce qu’il ne pouvait inventer un mensonge aussi gros. il ne pouvait pas lui dire la vérité. il ne pouvait pas se rabaisser à lui dire la vérité. qu’en faite il lui arrivait d’être jaloux, d’envier son physique, son charisme. d’envier sa situation familiale, toujours avoir ses deux parents, pas de petits frères et soeurs à surveiller. qu’il aurait aimé profiter de sa jeunesse un peu plus longtemps aussi. giichi savait que c’était mal de penser ainsi. que jae n’avait aucun contrôle sur ces choses-là. la seule chose qu’il pouvait lui reprocher était d’avoir voler sa copine. et même ça était encore débattable. l’avait-il volé ou s’était-elle juste tournée vers lui? il y avait là une différence que giichi refusait de voir. parce qu’il voulait être en colère contre jae. aussi laid ce sentiment soit-il.

la cigarette se consumait plus vite qu’il ne le pensait et giichi aurait aimé en avoir une autre. les cendres tombent à leurs pieds, vestiges de leur amitié. il soupire et la fumée ressort par sa bouche et ses narines. oh monsieur a des sentiments? il savait que ce n’était qu’une carapace. il l’avait vu la construire petit à petit au cours de leur adolescence jusqu’au début de leur vie d’adulte. il avait été là les moments où cette dernière se fissurait, laissant apercevoir celui qui s’y cachait. monsieur est la victime maintenant? et peut-être qu’il n’en était pas loin d’en être une. un dommage collatéral. coincé entre les débris de son couple. n’essaye pas de retourner la situation et de me faire passer pour le vilain de l’histoire. j’avais aucune obligation de devenir ton ami ni même de cultiver cette amitié aussi longtemps. mais devine quoi? j’ai pris la peine de le faire, j’ai pris sur moi lorsque t’avais tes mauvais jours et je t’ai jamais rien reproché parce que je savais à quel point cela devait être dur pour toi. même quand tu t’amusais à faire le con, je me la fermais parce que je sais que c’est ton seul moyen de garder la tête hors de l’eau.

nombreux étaient ceux qui lui avait demandé qu’est-ce qu’il foutait avec un mec pareil. c’était avant que jae ne devienne le social butterfly d’aujourd’hui. giichi leur avait demandé d’être patient avec lui, de ne pas lui reprocher son comportement froid et solitaire. il avait protégé jae des jugements et des moqueries à propos de son fort accent et son incapacité à finir une conversation. il n’avait pas fait tout ça par pitié mais plutôt par curiosité. ce petit garçon silencieux l’avait intrigué. et puis la curiosité s’était transformée en véritable affection. et non, ça n’a rien avoir avec de la pitié. je pensais seulement que tu en valais la peine mais apparemment je m’étais trompé sur toute la ligne. le bâton de nicotine atterrit entre eux puis sous la semelle de giichi. une perte de temps et d'énergie...