venom (kuma)

Minutes qui deviennent heures là, assis face à son bureau. Devoirs et leçons qui se sont accumulés pendant sa période d’hospitalisation, retard qu’il est obligé de compenser en étudiant jusqu'à très tard la nuit, système éducatif rempli de défauts. Parce que Kuma il n’est pas le seul à avoir été blessé lors de ce séisme, qu’ils sont quelques-uns à ne pas avoir pu reprendre les cours normalement, et l’option de redoublement n’est en aucun cas envisageable pour lui. Au plus vite ses études seront terminées, au plus tôt il sera libre et pourra partir loin, très loin d’ici. Alors il sacrifie son sommeil, passe outre la douleur qui lui brûle encore la jambe pour se remettre à la page de tout ce qu’il a raté, déterminé à réussir ses examens pour pouvoir dans quelques mois faire sa dernière année d’école avant l’université. Mais à trop étudier, le voilà qui somnole à moitié, s’endort presque sur ses bouquins. Inapte à retenir quoi que ce soit dans un tel état de fatigue. Abandon, fauteuil qu’il fait pivoter pour pouvoir enfiler son pyjama, épreuve qui relève de l’exploit avec cette jambe qu’il ne peut plier, dont chaque mouvement envoie une horrible douleur comme une décharge électrique dans tout son corps. Souvenirs de ce jour aux airs de cauchemar, nausée presque immédiate dès qu’il revit les sensations de sa cuisse coincée, broyée par cette poutre. Vêtements de nuit enfin enfilés, fauteuil qui roule cette fois vers son lit, grimace lorsqu’il se hisse à la force de ses bras sur le matelas, puis sursaut lorsque son poignet se fait happer. Glapissement de surprise d’abord, cri d’horreur ensuite lorsque son regard dévie vers la source de la douleur, qu’il y voit le serpent de sa tante, mordant avec hargne dans sa chair. Panique qui s’empare bien vite de lui, réflexe de secouer sa main, reptile qui resserre plus encore sa prise, refuse de lâcher. Et au milieu de la terreur et de ses cris, la voix de Tama. La responsable de tout ça, sans l’ombre d’un doute. « Pitié enlève le ! Ça fait mal, il… » Réalisation soudaine, angoisse qui rend son visage livide. « Le venin… » Alors il était enfin venu, le jour où elle se décidait à le tuer.

Ça ne s’arrête jamais. La vie ne lui accorde pas le moindre instant de répit. Gamin condamné à subir, encore et toujours, les affres d’un quotidien qui semble vouloir continuellement le pousser à bout. Il se le demande souvent Kuma ce qu’il a bien pu faire pour mériter tout ça, quel genre de karma s’acharne ainsi sur lui, sans jamais obtenir de réponses. Contraint à encaisser cette existence qu’il déteste en attendant d’être assez courageux pour mettre fin à sa misère. Oui il y pense souvent, à la mort. Cesser d’exister pour ne plus jamais souffrir, voilà une solution qui sonne bien douce à ses oreilles, si seulement il osait agir. Et l’ironie est presque risible, ridicule. Parce que l'éventualité de mourir bloqué sous cette poutre en ce soir de décembre l’avait terrorisé, et la situation actuelle n’est pas bien différente. Les crocs du serpent sont toujours profondément plantés dans la chair de son bras autour duquel son corps s’est enroulé pour le serrer, fort. Dans le fond, si Kuma souhaitait vraiment en finir avec la vie, ne serait-il pas plus calme ? N’accepterait-il pas son sort ? Mais ah, la vérité c’est qu’il ne veut pas mourir, la vérité c’est qu’il veut vivre, mais vivre différemment.

Et puis si le venin avait raison de lui, que se passerait-il ensuite ? Personne ne pleurerait sa perte, personne même ne s’en rendrait compte. Tama se débarrasserait sans doute de son corps comme d’un vulgaire déchet. Non il ne veut pas. Et lorsqu'elle entre dans la pièce, totalement calme et presque désintéressée de la situation, le lycéen ne peut que paniquer plus encore. « C’est lui qui m’a attaqué ! » Ce serpent, effrayé ? Il ne peut y croire. Surtout pas lorsqu’elle lui parle de la vitesse de propagation du venin dans son corps. Moins d’une heure. « Non non non… » La panique augmente, et Kuma est incapable de se calmer comme elle le lui demande, comment pourrait-il alors que sa vie est en danger ? Il agite son bras, geint lorsque l’animal referme plus durement sa mâchoire, le faisant saigner au passage. Les sanglots viennent secouer son corps en plus de la peur. « J’t’en supplie enlève le ! Je ferai tout ce que tu veux, promis ! Tout ce que tu voudras… je veux pas mourir »