(ringo) comme un ouragan la tempête en moi

La façon dont le monde fonctionnait étonnait parfois Wooyoung, mais il était bien trop pris dans cet engrenage pour réaliser qu’il fonctionnait comme celui, lui aussi, fabriquant la réalité de toutes pièces pour prouver ce qu’il avait à l’esprit.

« J’espère qu’ils sauront apprécier votre travail, dans ce cas ! »

Car travailler pour rien, c’était une chose bien triste, même si la société se souciait bien peu de la valeur des autres, de temps en temps. Il était question de productivité, de performance, mais ce que les gens eux-mêmes pouvaient penser de leur propre accomplissement était une variable négligée.

Produit de cette société, Wooyoung avait accepté de cette réalité et s’y conformait docilement. Il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour participer à des causes importantes, pour affirmer son militantisme, quand le bon moment se présentait. Il était cette personne dont l’image était contrôlée, presque parfaite en toutes circonstances. Mais qu’en était-il réellement ? Lui-même l’ignorait. Il s’était perdu lui-même au milieu de ce brouhaha d’informations.

« Oh mon dieu, je ne sais même pas comment ça s’utilise ! » dit-il en riant, avant de lever l’appareil à son œil. « Comme ceci ? »

Un premier cliché flou quand il pressa le bouton qui déclenchait l’obturateur. Cet homme allait regretter de lui avoir confié son appareil.

« Ce n’est pas faux… »

La question le surprit et attira le regard de Wooyoung, qui esquissa un sourire à l’adresse de cet homme.

« Oh, je… » Un léger rire. « Je joue de la flûte… »

Et il était très sérieux, espérant que cet homme ne s’aviserait pas d’en rire.

« J’en fais depuis que je suis jeune. » Il haussa les épaules. « Vous aimez la musique ? »

Il avait une fois encore porté l’appareil à son œil pour immortaliser la rue… Encore un cliché qui serait probablement raté, ou de piètre qualité… Il n’avait pas la technique, ni même les connaissances… Encore moins l’instinct.

Les conseils de Ringo étant précieux, Wooyoung hocha la tête avant de rire, un peu gêné. « Oh, désolé. » L’idée d’abîmer l’appareil de cet homme le dérangeait. Il n’avait aucune expérience, si ce n’était avec l’appareil de son téléphone, ce qui rendait la chose bien plus difficile, évidemment.

« Hahaha, je dois être un des fous qui apprécie cet instrument… » Mais contre toute attente, les propos de Ringo étaient bien différents de ceux qu’il avait imaginés. Il aimait beaucoup la musique ? Vraiment ? C’était… Réconfortant, dans un sens. « Oh, c’est vrai ? Vous jouez plutôt quel genre ? » Après tout, si le classique était largement répandu, il existait plein de styles de jeu, et il ne pouvait l’oublier. « Non, pas du tout. C’est plutôt la littérature, mon truc. Un vrai rat de bibliothèque. » avoua-t-il en un rire, avant de hausser les épaules. « Mais je ne pense pas m’arrêter pour autant, si j’en ai l’occasion. »

C’est que l’occasion, il risquait de l’avoir, avec tout l’argent que sa famille avait mis de côté pour lui. Il avait le privilège non négligeable de faire partie de cette jeunesse dorée que certains aimaient dénigrer. Il s’était mis en position pour prendre une nouvelle photo et, entendant les paroles de Ringo, il s’était immobilisé autant que possible, retenant même sa respiration. « Ah oui, c’est mieux. » Une sécurité qui le rassurait beaucoup, il devait bien l’avouer. Un rire lui avait échappé. « Ça change quoi ? L’appareil prend les photos seul ? » Avait-on précisé que Wooyoung n’avait vraiment aucunes connaissances en matière d’appareil photo ? D’ailleurs, voilà qu’il tenait l’appareil sans toucher à un moindre bouton, espérant sans doute que l’appareil fasse son travail tout seul… Comme quoi des études supérieures ne faisaient pas de vous un être parfaitement intelligent et capable dans ce monde.

Les compositeurs russes... Ils étaient assez impressionnants, tout comme les compositeurs allemands, à vrai dire, mais Wooyoung n'avait pas pour habitude d'écouter ce genre de musique, en dehors des cours. Il le faisait, mais par volonté de se donner bon genre devant d'autres personnes, parce qu'il était et restait une personne qui avait besoin de l'aval des autres pour exister. Il ne pouvait s'empêcher de contrôler cette image.

« C'est vrai, le plus pénible c'est de devoir la monter à chaque fois. » Ce qui, de mémoire, n'était pas le cas d'un piano... Pour le clavier, c'était un peu différent. Comme quoi chaque instrument avait ses côtés pénibles. « Mais c'est assez impressionnant, je dois dire. Tout le monde peut pas jouer du Tchaïkovski. »

Mais loin de vouloir s'attarder sur sa passion pour la musique (qu'il ne trouvait pas si intéressante en soi, à vrai dire), Wooyoung s'intéressait beaucoup au fonctionnement de l'appareil photo de cet homme... Réalisant d'ailleurs qu'il n'était pas très doué pour tout ce qui concernait cet art.

« Oh, je vois... C'est comme un 'mode débutant' pour les appareils photo, en gros ? » Un rire avait filé entre ses lèvres. « On voit que j'ai absolument aucune connaissance en matière de photo ? » C'était malheureux, il se serait presque fait honte, s'il n'avait pas trouvé ça drôle.

« Maintenant que vous le dites, je me suis toujours demandé comment ça fonctionnait... Comment vous arrivez à avoir une photo aussi nette alors que certaines voitures sont de vrais bolides... Même des sportifs, d'ailleurs. Vous avez déjà travaillé sur des événements pareils ? » Voilà que Ringo arrivait encore à piquer sa curiosité. Le pauvre n'allait pas réussir à se débarrasser de lui de sitôt. « Comment vous faites quand... Vous avez vraiment qu'une occasion d'immortaliser un moment ? Enfin, ça doit être difficile d'être sûr de ce que vous faites avant d'avoir pris la photo, non ? »

Wooyoung avait beaucoup de questions. Trop, peut-être, mais sa curiosité était une source inépuisable. S’il avait su qu’une tempête allait lui permettre de rencontrer une personne intéressante avec laquelle il allait pouvoir discuter, il n’aurait certainement pas été aussi embêté à l’idée de ne pas trouver d’abri. Il avait reposé les yeux sur Ringo, attendant la suite de ses réponses, comme il semblait décidé à les lui donner. Une chance, à vrai dire, car Wooyoung savait que certaines personnes n’avaient pas la patience de répondre à ses interrogations.

« Donc… » Il essaya pendant un instant de se représenter ce que Ringo lui expliquait, avant de hocher la tête. « D’accord, je crois que je vois. » Mais en était-il certain ? Rien n’était moins sûr. Cependant, il n’aurait qu’à aller vérifier dans un livre ou sur internet, une fois de retour chez lui. Il ne s’inquiétait pas pour ça. « Je ne savais pas qu’il y avait des spécialisations pour la photographie. »

Cela semblait évident, quand il y réfléchissait, mais il n’y avait jamais vraiment réfléchi. Comme quoi être doué pour lire des bouquins et étudier ne faisait pas nécessairement de lui une personne particulièrement intelligente. C’est qu’à part son propre domaine, Wooyoung n’était pas non plus le plus érudit. Il avait une bonne méthode de travail, et cela se résumait à ça, en grande partie.

« Oui, c’est clair. Ne vous en faites pas. Ça m’impressionne beaucoup… Quand je vois certaines photos, dans les journaux ou sur internet… » Il avait froncé les sourcils, réalisant une chose bien simple. « Vous avez un compte Instagram ? » Encore une question, oui… « Désolé, je pose beaucoup de questions. Je trouve ça tellement intriguant… » Certes, c’était un métier assez ancien, le métier de photographe, mais il était malgré tout admiratif de la façon dont les métiers évoluaient avec le temps, avec la technique également…

Il est vrai que Wooyoung n’y connaissait rien, en matière de photographie, mais cela ne le rendait qu’encore plus sensible aux charmes des clichés de cet homme et des autres professionnels du milieu. Alors, un sourire lui était venu aux lèvres.

« RedRingo… Okay je vais chercher ça. »

Il allait forcément aller le suivre, à vrai dire. Il se fascinait pour les personnes qui avaient un travail particulier. Un travail non-traditionnel, comme l’auraient dit certains. C’était le cas de la majorité des artistes, après tout, et s’il n’était bon qu’à jouer de la flûte traversière, pour ce qui était de l’art, il s’en satisfaisait bien et profitait encore plus du talent des autres.

« Mon dieu, il ne fallait pas me dire ça, je vais passer ma vie sur votre chaîne… »

Le vocabulaire technique qu’il ne comprendrait pas, c’était un véritable plaisir. Un sourire lui était venu aux lèvres à la question de cet homme.

« Oui, bien sûr ! J’ai LINE et mon numéro de téléphone. »

Et plutôt que le dicter, chose qui n’était pas très simple pour lui, les chiffres étant souvent ennuyeux, il lui montra pour qu’il puisse en prendre note.

« Oh, c’est par là que je vais aussi, c’est parfait ! »

Merveilleux, vraiment merveilleux. Il vivait dans ce quartier, alors cela facilitait les choses. Il attendit l’arriver de la rame aux côtés de cet homme.

« Vous avez des recommandations de choses à faire à Tokyo, d’ailleurs ? J’y pense seulement maintenant, mais vous devez voir pas mal de choses avec votre métier… »