cold and dark ✗ naoki

cold and dark

kuma + naoki
When the world comes crashing in
Come what may we'll keep surviving

(( ootd )) - Jours qui suivent et se ressemblent, banalité d’un quotidien dont il se contente pourtant. Après tout, Kuma n’a jamais été de ceux qui rêvent d’aventure, attendent l’extraordinaire. C’est déjà assez le vacarme, là haut dans sa tête, c’est déjà tous les jours la tempête dans son esprit, alors la routine lui convient. Il n’a pas de grands rêves après tout, ne souhaite que pouvoir quitter le domicile de sa tante le plus vite possible, partir loin, vivre une vie simple. Vivre tout simplement. Alors aujourd’hui comme hier, comme la semaine passée et l’année d’avant, la journée se répète comme un disque rayé. Lassitude de l’école, sourires forcés, affection tout aussi factice envers sa petite amie lorsqu’il la croise entre deux cours, et puis changement de tenue, quelques sous glissés dans sa poche pour s’offrir de quoi grignoter avant d’aller travailler. Heures qui défilent une fois arrivé à la patinoire, distribution incessante du matériel. Pourtant il a un sourire à peine perceptible sur les lèvres, le gosse. Parce que c’est le jour de la semaine où il ferme seul les lieux une fois l'entraînement de Naoki terminé, qu’il a le droit de le rejoindre sur la glace pour apprendre à virevolter, pour le regarder faire, surtout. Un des petits plaisirs de sa vie. Alors lorsque l’heure est venue, après avoir tout nettoyé, tout rangé, tout compté, il peut enfin enfiler ses patins, le rejoindre timidement.

Et Kuma il n’entend pas tout de suite le son strident de l’alarme couvert par la musique qui résonne dans l’immense espace, et lorsqu’enfin le son de distingue du reste du brouhaha, il est trop tard. Les premières secousses font tout trembler, et il ne peut que lancer un regard paniqué vers Naoki. Ils doivent sortir et vite. Mais les dégâts sont plus rapides qu’eux. En quelques instants seulement la glace se craquèle sous leurs pieds, les vitres qui entourent la patinoire se brisent, les tuyaux enfouis, remplis de liquides explosent sous la pression. « Attention ! » Il perd de vue le patineur derrière les premiers débris du plafond qui viennent s’écraser entre eux. Sur les étagères à plusieurs mètres de là, tout tombe dans un vacarme terrifiant. Qu’importe tout ce qu’on leur a appris à l’école, qu’importe si on leur a dit de se mettre au sol, de ne pas courir. Kuma il essaye, n’a pas le choix car juste au-dessus d’eux tout se casse, chute. La sortie se rapproche. Puis plus rien. Son corps qui chute, le crâne qui cogne contre la glace, et cette douleur à la jambe, si forte qu’elle lui coupe le souffle, qu’elle l’empêche même de crier. Esprit qui lutte pour rester conscient, y parvient plus où moins. Corps qui puise dans ses ressources pour se libérer. Échec.

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kuma + naoki
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Come what may we'll keep surviving

(( ootd )) - La journée passe aussi lentement que toutes les autres. Chaque action exécutée avec délicatesse. La même chose. Chaque jour. Un café, le zip de ton sac, tes livres de cours, la voix du professeur, les patins, les zébrures sur la glaces. Des heures et des heures passées à t'entraîner et pourquoi ? Triple axel près des enfants qui te regardent avec de grands yeux émerveillés. Encore, ils demandent. Alors tu t'exécutes dans un éclat de rire. T'arrives à faire croire à tous que tu es comme ça. Un petit soleil. La vérité, c'est que t'es un tournesol. Tu ne brilles que lorsque la lumière est braquée sur toi, mais dans l'ombre  tu fanes. Tu tournes, tu tournes si vites que la patinoire devient floue et tu voudrais qu'elle s'efface complètement alors tu ne t'arrêtes pas, pas avant d'avoir la tête qui tourne, envie de vomir, des points blancs dansant devant tes yeux. Et puis tout le monde est parti. Il ne reste que lui. Tu lui fais un signe de la main, un sourire. Kuma. Et les sillons tracés dans la glaces se rejoignent, tu attrapes ses mains, nouvel éclat de rire, presque sincère cette fois. Presque. Tu lui montres les mouvements, tu lui apprends la grâce comme tu l'as apprise avant lui. Tu te penches si proche de la glace que tu peux presque la sentir contre ta peau, tu glisses tes doigts dessus. Et le moment partagé prend le goût d'une accalmie dans ta vie tourmentée.

Alors tu n'entends pas la plainte funeste de l'alerte au séisme. Il n'y a que quand la musique fait une pause que ton sourire disparait subitement. Tu sais ce qu'il va vous arriver. Un frisson remonte ton corps. Kuma ! Sors ! Sortir de la glace. Patiner, tu ne peux faire que ça. Même quand la glace gémis sous pieds, même lorsqu'elle éclate dans un craquement terrible. Ton coeur loupe un battement. Vous allez mourir. Et tu te sens responsable de Kuma. Il est plus jeune que toi, c'est toi qui l'a fait monter sur la glace. Le bruit du verre se fracassant par terre accompagne volontiers le grondement sourd que fait la Terre et tout ne semble plus être que chaos autour de vous. Ton patin est subitement bloqué par un segment dans la glace et la chute te semble interminable. C'est ton visage qui prend d'abord, l'intégralité de ta joue s'enflamme contre la glace, ta peau se déchire en t'arrachant un cri de douleur. Puis c'est le reste de ton corps qui est paralysé par la douleur, l'impression qu'un millier d'aiguilles s'enfoncent sous ton épiderme, tu ne sais pas si c'est de la glace, du verre, de la pierre. Tout ce que tu sais c'est que ça fait mal, que tu vois flou, que tes yeux pleurent, que la Terre tremble toujours. Tes doigts agrippent la glace et tu tentes de ramper. Le plafond s'ouvre en deux devant toi et tu regardes, horrifié, le métal se planter dans ta main. Ton hurlement de douleur résonne longtemps dans la patinoire soudain silencieuse. Tu sanglotes. Tu gémis. Tu n'oses plus bouger. La douleur lancinante dans ta main assombrit le monde, tu n'entends plus rien, tu ne vois plus rien, tu ne penses plus à rien.

Et puis ça te revient d'un coup. Tu ouvres les yeux. Kuma ? Tu appelles à voix basse, à travers tes sanglots. Tu dois te libérer. Tu dois aller le chercher. Où est-ce qu'il est ? Est-ce qu'il est... ? Tes genoux s'appuient contre le sol dur et tu réalises que tu n'as pas mal que dans la main, c'est tout ton corps qui souffre, qui saigne. Tu geins, comme si seules des plaintes pouvaient sortir d'entre tes lèvres maintenant. Toi, t'as jamais été très courageux, la plupart du temps, tu suivais le mouvement, menant ta barque sur une rivière trop tranquille. Le morceau de métal clouant ta main à la glace te ferait presque tourner de l'oeil. Il n'est pas si gros pourtant. Tu essaies de le retirer. Nouvelle plainte sonore. J'peux pas.... Je peux pas... Ton souffle erratique trahit ta peur. Tu peux le faire. Nouveau hurlement déchirant lorsque tu extirpes ta main. Le blanc immaculé de la glace est souillé, comme ton corps, comme tes vêtements. Couvert de vermeil, ta main blessée serrée contre toi, tu te traines un peu au sol avant de te redresser sur tes jambes tremblantes.

Les larmes brûlent sur ta joue abimée mais tu ne peux pas les empêcher de couler, tu n'arrive pas à arrêter tes sanglots. Tes yeux cherchent ton ami. Il est vivant. Hein ? Et lorsqu'ils tombent sur son corps, ton coeur tombe de ta poitrine comme une pierre dans un lac. Kuma ! Tes pieds tremblants glissent tout seuls sur la glace, tu évites les craquelures et les bosses recouvrant l'endroit où tu passais tes journées. tes genoux finissent par glisser près du corps inanimé du jeune homme et tu pleures, si fort Naoki. Tes doigts intactes se posent doucement contre l'épaule de Kuma, remonte sur sa gorge. Et les pulsations qu'envoient son coeur te rassure. Alors tu pleures encore plus, ta tête vient toucher le sol près de lui. S'il n'est pas mort, il est en bien moins bonne posture que toi. Tu m'entends Kuma ? Tu te déplaces légèrement pour évaluer les dégâts. Tu as besoin que quelqu'un vienne vous aider. Tes doigts cherchent les siens. ca va aller. Non. Je vais te sortir de là.

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kuma + naoki
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(( ootd )) - Tout ce qu’il voulait, c’était s’amuser. Profiter de ces quelques minutes où tous ses problèmes n’existent pas, faire la seule chose qui le fait vibrer. Il faut dire que ça a presque un effet thérapeutique sur lui, le patinage. C’est son petit truc à lui, ce quelque chose qu’il ne fait que pour lui-même. Sa récompense lorsqu’il travaille des heures durant en regardant les autres s’amuser. Quand tous s’en vont, lui y a enfin droit, récompense qu’il ne manque jamais de savourer. Douce compagnie de celui qui n’était, il n’y a pas si longtemps que ça, que son idole. Aujourd’hui il lui apprend ce qu’il sait, ils rient ensemble aussi, là au milieu de la glace. Peut-être que finalement il n’a même pas droit à ces moments là, Kuma. Peut-être qu’il ne mérite pas cette accalmie, ce répit dans sa vie si chaotique. Sans doute l’univers tente de lui faire passer un message, le punit sans cesse pour des crimes dont il ignore même l’origine. Qu’a-t-il fait pour mériter tout ça ? Était-il si odieux dans une vie antérieure ? Ou bien est-ce pour toutes les victimes de sa tante qu’il n’a jamais su protéger en la dénonçant ? On raconte que c’est dans la difficulté, que c’est dans la douleur que les gens deviennent plus fort, mais lui n’a pas les épaules pour encaisser tout ça, continue de vivre par lâcheté, et dans l’espoir infime qu’un jour tout ira mieux, qu’il y aura droit aussi, au bonheur.

Mais pour le moment il n’y a que le froid. Il n’y a que le silence. Pour le moment il n’y a que la douleur, lorsqu’enfin il reprend connaissance. Ça bourdonne dans ses oreilles, sifflement incessant qui semble compresser son crâne. La voix lui semble lointaine, calfeutrée, abstraite, au point qu’il pense l’imaginer un instant. Le monde tangue et virevolte devant ses yeux, les étoiles envahissent l’espace, sa respiration lui semble fonctionner au ralenti, comme le moindre de ses mouvements, et chacune de ses pensées. Alors Kuma il ferme les yeux pour stopper la nausée qui lui tord le ventre, et ses doigts grattent la glace. La glace.
Celle qu’il a vu s’ouvrir, exploser, parfait miroir de ce qui se passait au-dessus d’eux, au plafond. Et tout lui revient. L’alarme, la terreur, les cris. Et puis les tremblements, le vacarme du monde qui s’écroule, de la terre entière qui se brise. Sa chute. La douleur. La douleur. La douleur. Elle s’éveille brusquement, le réveille aussi au passage. Cri brisé qu’il ne peut contenir, corps qui se débat, souffre un peu plus à chaque mouvement. Elle est intense, elle est violente, elle englobe tout son corps, la douleur. Il veut se relever, s’en aller, il veut chercher Naoki, s’assurer qu’il va bien, qu’il a été épargné.

Et tout ce qu’il voit c’est le sang. Le carmin que la glace absorbe. Et lorsqu’il sent une main dans la sienne, il s’imagine avoir réussi à ramper jusqu’à son ami. « Nao ? Naoki on doit sortir » Il parvient difficilement à relever la tête, constate avec effroi l’état du patineur. Son visage, et le rouge partout. Il y en a partout, il y en a trop. Assez pour que le temps d’un instant, Kuma pense qu’il est trop tard, qu’il fait face à un fantôme. Il doit se relever, il doit chercher le vrai Naoki, le sauver, l’emmener à l’hôpital et vite. Mais quelque chose ne va pas. Non, quelque chose n’est pas normal. Là, derrière cette douleur qui lui tord les tripes, il y a autre chose. Et finalement il tourne la tête, ne peut que constater impuissant son corps qui disparaît sous les débris. Certains glissent de son corps lorsqu’il bougent, mais là, après son bassin, c’est trop lourd. Elle vient de là, la douleur meurtrière. « Non non non » Il panique, bouge trop dans l’espoir vain de se libérer, se fait plus mal encore dans des cris désespérés, abandonne tout mouvement pour pleurer fort, serrer la main de son ami. Parce qu’il comprend qu’ils ne s’en sortiront pas. Naoki saigne trop, ils n’ont rien pour arrêter son hémorragie. Et lui, lui… « Je sens plus ma jambe. Je… je peux plus la bouger » Et ça le terrifie. « Naoki j’ai perdu ma jambe ? J’veux pas, faut qu’on vienne nous sauver ! »

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kuma + naoki
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(( ootd )) - Tout est subitement noir. Plus de lumière, plus de son, plus d'âme qui vive. Juste toi, te tenant au-dessus du corps de ton ami. Et puis son cri te déchire la poitrine. Intense, douloureux. Une grimace tord ton visage. Tu le vois paniquer. Tu l'entends te parler, tu le vois se débattre. Mais t'es incapable de détacher tes yeux des ses jambes enfouies sous des morceaux de... de pierre. De métal. Tu fronces les sourcils. Tu peux pas parler. Tu peux pas lui dire. C'est trop dur. Un frisson te parcourt l'échine lorsqu'il se rend finalement compte de ce qu'il se passe. Tu trembles si fort que tes dents se mettent à claquer. C'est l'effroi qui t'assaille. Ch...Chut... T-tu... Arrête de bouger... Toute couleur a abandonné tes traits depuis longtemps. Ne reste que le blanc de la glace reflété sur ta peau mêlé au vermillon striant ta peau. Tu te redresses pour mieux voir ce qu'il se passe. Tu mords ta lèvre en analysant l'étendue des dégâts à la lumière des rayons de lune. Tu finis par comprendre que tout repose sur toi. Que vous allez mourir tous les deux si ce n'est pas toi qui fais quelque chose pour lui. Tu fermes les yeux et tu souffles. Ton expiration est aussi tremblante que le reste de ta personne. Tu te débats pour atteindre la fermeture dans ton dos et tu laisses tes vêtements glisser le long de tes épaules, de ton torse, laissant apparaître le millier de coupures décorant ta peau. Tes dents trouvent facilement le début le manche et ta main intacte l'arrache sèchement. Tu l'enroule autour de ta main blessée et tu serres avec les dents, assez fort pour t'arracher un gémissement. Je vais t'aider.

Tes doigts s'échappent subitement de sa main et tu te relèves difficilement. Tu fais le tour de son corps pour évaluer les dégâts et ce n'est qu'après être resté plus de dix secondes sans rien dire que tu te rends compte que tu avais cessé de respirer. Tu lâches un souffle terrifié. c'est rien. Il faut juste que je retire ça, d'accord ? Comment t'allais pouvoir soulever une poutre de cette taille tout seul ? Avec une main ? sur la glace ? Sur des patins ? Tes yeux glissent vers tes pieds et tes doigts s'agitent tout seuls pour rapidement les enlever. Tes chaussettes se posent sur le sol glacial et tu passes ton bras blessé sous la poutre. Ta deuxième main l'attrape par dessus. Tu tentes de la soulever. Impossible. Tu tentes de la tirer vers l'arrière. Tu lâches un grognement sous l'effort mais tu peux pas la faire bouger comme ça. Non... Tu relâches le métal froid, des larmes plein les yeux avant de courir t'agenouiller près de kuma. Tu passes tes doigts dans ses cheveux. Hé, Kuma... Ca va aller, hein. Je dois... Je dois juste trouver quelqu'un... Ou que. Que je trouve un truc pour te sortir de là. Fais moi confiance. Hein ? Tu passes ta main dans son dos pour tenter de le réconforter puis tu te lèves subitement, tu cours vers la sortie, tes pieds touchent la vieille moquette bleue et tu jettes des regards partout, complètement désorienté. Il y a des morceaux de plafonds un peu partout. Et lorsque tes yeux se posent sur la porte, tu lâches une plainte sonore. Tu pourrais pas sortir par là.

Il te fallait un truc pour faire levier. T'avais toujours eu des notes excellentes à l'école, toute la théorie nécessaire, tu l'avais. Tu étais intelligent. Mais sur le terrain, tu ne valais rien. Pas si tu te laissais submerger par la panique. Tu fouilles les décombres à tâtons à la recherche de ton sac, comme si t'allais retrouver ton téléphone et pouvoir appeler quelqu'un. Et plus tu paniques, plus tu trembles, plus tu pleures. Tu finis par tout arrêter. Laisser les sanglots te secouer une seconde, souffler. Calme toi. Tu relèves la tête. Levier. Levier. Tes mains fouillent, se posent sur un tas d'objets qui pourraient faire l'affaire alors tu remplis tes bras. Crosse de hockey, une barre en fer que tu finis d'arracher d'une rambarde défoncée et une luge de glace pour les enfants. Tu reviens en courant auprès de kuma, laissant les objets tinter contre le sol en t'agenouillant. Tes doigts caressent doucement sa joue puis ses cheveux. J'ai trouvé des trucs. Kuma, ca va ?

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kuma + naoki
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(( ootd )) - Elle n’a jamais été tendre avec lui, la vie. Acharnement dont Kuma ignore la raison, ciel auquel il pose si souvent la question. Pourquoi ? Jamais de réponse cependant. Souffrances quasi innées, existantes depuis sa naissance, depuis cette mère dont il ne se souvient même pas du visage jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce tremblement de terre. La chance est restée abonnée aux absents durant toutes ces années, comme déterminée à ne jamais lui rendre visite, à lui accorder sa clémence. Et ah, dans le fond peut-être que tout aurait été plus simple, plus doux si cette poutre avait tué le lycéen sur le coup. C’est qu’il a toujours vu la mort comme seul espoir, Kuma. Espoir de ne plus jamais souffrir. Pensées suicidaires qui ont pris d’assaut son esprit depuis bien trop longtemps déjà, cicatrices sur ses cuisses trop nombreuses pour pouvoir les compter en guise de preuve. Oui il la trouve plus attirante que la vie, visualise la mort comme des bras tendus vers lui pour le réconforter, s’imagine une voix trop douce lui dire que plus jamais il ne souffrira, lorsqu’il sera dans ses bras. Et pourtant il n’y arrive pas, trop lâche peut-être, trop peureux sans doute pour parvenir à mettre fin à ses jours, retenu par le foutu espoir qu’un jour tout ira mieux, que ça s’arrangera. Qu’il sera heureux, qu’il sera aimé. Mais ah, s’il avait réussi à aller jusqu’au bout, il ne serait pas en train de souffrir aujourd’hui.

Parce que la douleur qu’il ressent dans tout son corps -surtout dans sa jambe, elle dépasse tout le reste. C’est violent, c’est si puissant qu’il sent tout son estomac se retourner, ses cordes vocales se déchirer et son esprit divaguer. Conscience qu’il maintient tant bien que mal éveillée, réflexe de se débattre qu’il maudit. Chaque mouvement est douloureux, comme des milliers d’aiguilles plantées dans sa chair, comme du feu qui vient mordre ses muscles. Craquement d’os qui fait écho à celui de la glace. Agonie. Torture aussi, lorsqu’il prend conscience de la situation, qu’il réalise dans quelle posture il se trouve. La douleur est vive dans sa cuisse, et plus bas c’est le néant. Incapacité totale à bouger le reste de sa jambe ou son pied. Théorie qui lui glace le sang : avoir perdu sa jambe. Tranchée net par le métal froid, broyée par les débris qu’importe. Et tout se mélange dans sa tête. Les souvenirs flous des derniers instants, les affres de son membre mutilé, et le sang. Celui que Naoki semble perdre, petite flaque qui s’élargit trop vite, teinte la glace de son pourpre. Kuma n’est même pas certain qu’il soit vraiment là devant lui, vivant, partiellement convaincu qu’il fait face à son fantôme. Comment le patineur pourrait être en vie, alors que son sang s’écoule trop vite, trop fort ? Et quand il relève les yeux, le lycéen en est convaincu. Parce que soudain, il n’est plus là. Disparu. Totalement hors de son champ de vision. Seule une voix qui lui semble si lointaine est là pour lui prouver qu’il n’est pas seul, mais comment la croire ? Ça ne doit être qu’une hallucination.

Et les sanglots s’emparent de lui. Ses ongles grattent désespérément la glace alors qu’il répète le nom de son ami et de trop nombreuses excuses comme une litanie. Ou une invocation peut-être, puisqu’à force de le répéter, le fantôme présumé de Naoki revient vers lui, parle même. Mais l’adrénaline de Kuma commence à lui faire défaut, l’empêche de se concentrer sur les mots qui deviennent alors inintelligibles. Il ne sait pas ce que son aîné lui dit, ne sait pas pourquoi il s’en va ainsi, l’abandonne. Était-ce vraiment son fantôme, son esprit qui s’en va aux cieux ? « Reviens… » Mais il est déjà loin, hors de son champ de vision, alors il ferme les yeux pour ne pas voir sa solitude. Pendant quelques secondes, des heures, une éternité, il n’en sait rien. Ne sort de sa semi-inconscience que lorsque la voix revient. Visage qui se tourne, se tord pour pouvoir voir la personne près de lui, regard qui s’éveille d’une lueur nouvelle. « T’es vivant… Naoki t’es vivant ! » Main qui s’empare de celle de son ami, la serre fort. « C’est vraiment toi pas vrai ? C’est plus le fantôme hein ? » Mélange de rêve et de réalité, confusion qui se lit facilement sur son visage. « Mais alors il est à qui le sang..? Nao je veux m’en aller d’ici, j’ai froid, pourquoi t’as pas froid ? Pourquoi t’es pas habillé ? »