It's not about the money ( ft. Tama )

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Enfant déchue aux portes des damnés, la devanture, si banale, dissimulant des secrets qu’elle ne devine pas, l’innocente, car les yeux restent fermés sur la noirceur du monde et le sourire ne quitte jamais les lippes rosées. Le bouquet coloré, serré entre ses mains délicates, paraît lumineux, elle en est fière, Mei, car c’est Ryu qui le lui a confectionné, suite aux demandes incessantes de sa colocataire. Les prunelles reflètent les étoiles, le palpitant s’agite tandis que sa main se tend pour pousser la porte et pénétrer dans l’antre de ses rêves d’enfants. Elle a encore des histoires plein la tête, la gamine, malgré les mots si crus d’une mère qui refuse de continuer à être présente. « Je ne sais pas ce que j’ai fait à Dieu pour hériter d’une gourde pareille, mais j’en ai plus que marre de t’entretenir Mei. Cinq ans, que je te paye ces cours à la noix, pas une seule audition décrochée depuis des mois, tu foires tout et ça ne t’embête même pas ! » Elle avait montré ses yeux tristes ce jour-là, mais ça ne l’avait pas empêcher de continuer de rêver. Aujourd’hui encore, elle trouve la force de s’engager dans les couloirs de l’école, même si sa mère ne paye plus rien du tout. La mignonne, dans son monde de licornes, imagine qu’un simple bouquet fera l'affaire. 

Elle n’a pas besoin de chercher longtemps, elle sait exactement quelle porte pousser pour accéder à la classe de madame Imoarai, sa professeur préférée. Grincement annonciateur de son arrivée, elle passe d’abord sa tête entre le cadre et la porte, inspecte la pièce et se réjouit de voir que personne n’est encore là. Son corps glisse tout seul à la suite et là voilà qui se retrouve seule dans son ancienne salle de classe. On a beau lui avoir répéter que le théâtre et le cinéma n’étaient pas fait pour elle, la poupée s’entête à vouloir pourchasser un rêve qui n’a plus de sens, car que pourrait-elle faire d’autre, la princesse, se marier ? Impensable tant qu’elle n’aura pas trouvé le bon. Mei restera persuadée que le métier d’actrice est fait pour elle, et rien ne pourra la dissuader. 

Le son des semelles qui claquent contre le sol et se rapprochent inévitablement capte l’attention de l’effronté. Elle se hisse sur la pointe des pieds afin de voir au-dessus de son bouquet trop chargé, ses yeux s’agrandissant et ses lèvres se séparant alors qu’un soupir d’extase s’échappe au moment où la porte s’ouvre sur la silhouette intimidante de l’enseignante. 

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pause déjeuner. enfin. t’as une faim de loup. ces temps-ci tu raffoles de gyozas alors que t’as jamais vraiment aimé en manger. ah, les joies de la grossesse. cet enfant n’est qu’un foetus mais il commence déjà à avoir des envies et des exigences. quelle plaie! t’espères qu’il ne sera pas aussi chiant une fois né. tu soupires et paies ta double ration de raviolis. d’habitude, tu déjeunes avec d’autres professeurs mais aujourd’hui tu n’as pas très envie de parler. t’as envie de passer un moment seule. il y a certaines choses auxquelles tu dois réfléchir. comme le fait que tu culpabilises d’avoir vendu sasha. cela ne t’ai jamais arrivé auparavant. t’as jamais ressenti cette culpabilité au point d’en avoir des hallucinations. t’as l’impression de le voir au milieu de la foule ou au détour d’une rue. ce gamin ne quitte plus tes pensées et c’est mauvais signe. pensées occupées par un être que tu aimerais oublier, tu entres dans ta salle de classe et tu es surprise d’y retrouver une de tes anciennes élèves, un bouquet de fleurs à la main. tu hausses un sourcil. elle fait quoi là, celle-là? tu déposes tes affaires sur ton bureau.

“mademoiselle hua, quelle surprise!”

hua mei. l’une de tes pires élèves. t’en as pas gardé que de bons souvenirs. chaque personne est faite pour quelque chose et elle, cette petite, le théâtre n’est vraiment pas fait pour elle. elle a passé des années à s’y acharner avant que sa propre mère ne déclare forfait. c’était presque triste à voir, vraiment pathétique. toutefois, elle reste une jeune fille fort sympathique, avec qui il est facile de nouer une amitié grâce à sa personnalité haute en couleur.

“merci beaucoup, elles sont magnifiques.”

tu récupères le bouquet qu’elle te tend et le renifle. malheureusement, tu manques de vomir dessus. ok, c’est noté, bébé n’aime pas l’odeur des fleurs. tu les déposes au coin de ton bureau puis t’y installes. t’as vraiment faim alors tu ne vas pas attendre que la petite s’en aille pour commencer à manger.

“alors, dis-moi, qu’est-ce que tu deviens?”

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Le sourire se dessine, sur les lèvres peintes, elle a les yeux qui pétillent, le visage qui s'illumine alors que la plus vieille s'avance pour déposer ses affaires sur le bureau. Admiration qui la berçait jadis lorsqu'elle écoutait les cours de la professeure, elle l'avait placée sur un piédestal, s'était juré d'y arriver pour la rendre fière. La réalité l'avait bien vite rattrapée, gamine incapable de poursuivre son rêve comme il faut, et puis les objectifs avaient été mis de côté. Mei revenait aujourd'hui avec l'espoir naïf de pouvoir reprendre là où elle s'était arrêtée.

Elle répond d'un rire timide aux mots de l'enseignante, lui offrant le bouquet alors qu'elle vient le lui prendre des mains. Libérée des fleurs, elle attrape ses doigts dans son dos et recule d'un pas sans jamais perdre son sourire. « Je suis bien contente qu'elles vous plaisent professeur, à vrai dire j'ai pas mal hésité à la boutique, mais mon amie Ryu s'est chargé de constituer le bouquet pour moi, c'était plus simple comme ça. » L'autre n'a même pas eu le temps de s'asseoir que la plus jeune se met déjà à déblatérer. Mei se tient encore debout au milieu de la salle alors que madame Imoarai s'installe à son bureau afin de se mettre à manger. « Pause déjeuné ? Oh ça me rappelle que j'ai pas encore mangé moi non plus. J'ai oublié de penser à ça, j'étais trop distraite à l'idée de revenir ici hihi. »  Elle avait passé la matinée à se préparer, puis elle était sortit vers dix heure afin d'aller chercher les fleurs à la boutique de Ryu, elle avait ensuite parcouru une bonne partie de la ville à pied avant d'atterrir ici, dans cette pièce porteuse de souvenirs. Elle avait vu naître ses espoirs dans cette salle avant de les laisser s'envoler.

La jeune femme la sort alors de ses pensées, demandant de ses nouvelles, grave erreur lorsqu'on connaît Hua Mei. La demoiselle se dresse sur la pointe des pieds, puis bascule sur ses talons, son sourire s'élargissant alors que ses yeux se plissent et que ses dents blanches apparaissent. « Ohlala, si vous saviez tout ce qui m'est arrivé ces derniers mois ! Figurez-vous que mes parents ont décidé de m'envoyer à Osaka, une histoire d'indépendance, un truc comme ça. Ils m'ont juste dit de me débrouiller seule là-bas. Du coup, j'ai fait mes valises et je suis partie. Je suis arrivée là-bas et c'était assez impressionnant voir même un peu flippant parce que je connaissais personne et j'était toute seule pour la première fois de ma vie. J'ai même pas pu emmener Pochi avec moi, vous savez ? Mon petit chien blanc, Pochi. Ça fait vraiment longtemps que je l'ai pas vu... Enfin bref, suite à ça, je me suis dit que j'allais essayer de trouver un hôtel ou un truc comme ça en attendant de trouver quelque chose de mieux. Je suis arrivée à l'hôtel et devinez ce que j'ai découvert ? Mes parents m'ont coupé l'accès à mes comptes ! Vous vous rendez compte ? Comment étais-je supposée m'en sortir sans argent ? Enfin bref, du coup je suis sortie, et là, j'ai rencontré un couple de vieux qui galéraient alors j'ai décidé de les aider. Ils m'ont ensuite demandé comment me remercier et je leur ai dit que je cherchais un endroit pour passer la nuit. Ils m'ont alors dit qu'ils louaient leur sous-sol pour pas cher et qu'il y avait déjà une fille qui y habitait, mais qu'il y avait largement la place pour deux. Spoiler alert, il n'y avait absolument pas la place pour deux, mais on s'en est sorties. Du coup, c'est là que j'ai rencontré mon amie et colocataire Ryu ! […] » Et Mei continue jusqu'à son retour à Tokyo. Elle termine en reprenant sa respiration, fermant finalement la bouche, satisfaite de la tournure de son discours.