Confession nocturne (sumi)

Lorsque Yusuke rentre à la maison, une main tenant sa côte droite, Kuma est déjà endormi. Ce qui reste du dîner repose sur la table, refroidie. Yusuke accorde à peine un regard à la nourriture et se dirige directement dans la salle de bain. Il se déshabille et constate, sans grande surprise, le bleu qui s’étend jusqu’à son tour de taille. Il avait fait le malheur de sous-estimer son adversaire ce soir. Grosse erreur. Il aurait pu plier le combat plus rapidement avec moins de blessures mais il a laissé trop d'ouvertures, se laissant atteindre par des attaques qu’il aurait pu contrer en temps normal.

L’eau froide, bien que désagréable, l’anesthésie et diminue la douleur. Après avoir enfilé un sweat à capuche et un short, il dîne dans le calme de la cuisine. Il n’allume pas la télévision parce qu’à cette heure-là, il n’y a pas grand chose d'intéressant à regarder. Il fait un tour sur les réseaux sociaux, laisse quelques commentaires sous les posts de ses amis et de sa copine. Un appel entrant s’affiche sur l’écran. Visiblement, elle ne dormait pas aussi.

“Allo?”

[T’arrives pas à dormir toi aussi?]

Oh, elle pense sûrement qu’il a passé des heures à se retourner dans son lit alors qu’en réalité il vient tout juste de rentrer à la maison.

“Pas vraiment, j’devais finir un truc pour la fac alors j’ai veillé tard.”

[Ah, je vois. Je veille tard tous les soirs, moi.]

“Que c’est étonnant de la part de Mademoiselle J’aime-me-réveiller aux aurores-et-devancer-les-coqs."

Lorsqu’ils dormaient ensemble, elle avait tendance à se réveiller, et lui par conséquence puisqu’elle n’est pas très discrète et fait énormément de bruit, à 5 heures du matin. Elle adorait admirer le lever du soleil et observer la nature reprendre vie. Yusuke, lui, détestait ça mais il faisait quand même l’effort parce qu’il adorait cet air emerveillé qui s’affichait sur le visage de la jeune femme.

[C’est parce que tu me manques. Je n'arrive pas à trouver le sommeil.]

“Ah ben moi, c’est le contraire. Je dors beaucoup mieux.”

[Yusuke!]

Il éclate de rire. Elle est si facile à taquiner.

“Non, c’est vrai, je peux faire la grasse matinée maintenant.”

[Mais, t’as pas cours le matin?]

“Si, mais ça commence à 8h30, ça change de tes 5 heures du mat’.”

[Quoi? Mais tu m’as dit que tu adorais ces moments?]

“J’te l’ai dit qu’une fois.”

[Ouais, mais ça vaut pour tous les autres matins, non?]

“Le jour que je t’ai dit ça, tu m’as promis que tu me ferais une p’tite gâterie juste avant le p’tit déj, évidemment que j’t’aurais sorti ce que tu veux entendre.”

[Yusuke!!]

Il éclate de rire de nouveau. Elle rage quelques secondes juste pour la forme puis fait de même. Parce que c’est drôle, tout de même, faut se l’avouer.

Les murs sont fins et Yusuke parvient à entendre la porte d’en face s’ouvrir puis se refermer. Il entend la voix de la voisine puis des pas. Il fait mine de bailler.

“Je suis crevé. Je vais me coucher. Fais de beaux rêves et bisous.”

[Dors bien, toi aussi. Tu me manques, je t’aime.]

“Moi aussi. Bonne nuit.”

Il raccroche. Il finit de manger puis prend son paquet de cigarette et son briquet. Sur le toit, il y a un petit jardin collectif que cultivent tous les résidents. Chacun peut planter ce qu’il veut et tout le monde peut s'en servir. De temps en temps, Yusuke apporte quelques fruits et légumes au petit vieillard qui habite au rez-de-chaussée. Il prend aussi soin de ses fraisiers dont il ne peut plus s’occuper depuis la panne d’ascenseur.

Il pousse la porte et le vent nocturne printanier lui arrache de petites larmes. Il allume sa cigarette et se rapproche de la voisine. Ils n’ont jamais eu le temps de réellement parler. Ils se sont croisés à maintes reprises dans les escaliers ou dans le parking mais elle reste un mystère pour lui. La seule chose qu’il sait d’elle est qu’elle est mariée à un débile et qu’elle a un gosse qui chiale beaucoup.

Il s’accoude à la rambarde, observant la ville qui ne dort jamais.

“Dure journée aussi?”

OOTD Ses cheveux blonds roulants en cascade sur ses épaules la belle s'éloigne de Keitaro après qu'il lui ai asséné un nouveau coup. Encore une prise de tête. Il l'a surprise dans la rue avec leur fils alors que son mari revenait du boulot en train de se faire draguer par une bande de jeunes garçons et comme l'on peut s'en douter son mari n'a guère apprécié qu'elle se donne en spectacle comme il le dit si souvent. A chaque prise de tête c'est toujours la même rengaine. C'est elle la coupable et lui semble comme un saint face à elle. A force la jeune coréenne finit par être saoulée et quelque peu lassée de sa condition de femme mariée avec un ivrogne violent et colérique. Franchement à terme n'importe qui serait saoulé de cette condition. Et puis bon être battu en permanence par la personne que l'on a épousé ça n'a rien d'enthousiasmant sur ça on peut que comprendre Sumi.

Alors forcément après s'être pris un nouveau coup de la part de son salopard de mari la belle s'éloigne. « Je vais fumer. » Et elle s'éclipse aussi vite que possible bien qu'elle ne loupe pas les derniers mots de son adorable mari. « C'est ça. Fais la pute comme d'habitude. » Choquée la blonde s'éloigne et grimpe jusqu'au jardin sur le toit de l'immeuble dans lequel elle vit avec son mari et leur fils. Elle avait pourtant arrêté la clope pendant sa grossesse et elle n'était pas peu fière. Bien sûr pendant sa grossesse elle ignorait qu'elle était enceinte mais elle avait arrêté un jour. Et il a fallut qu'elle se marie avec ce drôle de type pour qu'elle reprenne. Voilà déjà trois ans que cette routine dure. Routine au cours de laquelle elle est battue et humiliée par son époux. A force elle s'y habitue, si l'on lui pose la question elle répondra qu'elle va bien et que son mari est quelqu'un de bien parce qu'elle a honte d'affirmer que sa vie est un échec cuisant. Pourtant autour d'elle les gens ne sont pas dupes, tout le monde sait qu'elle va mal. Il n'y a qu'à voir sa mine peu réjouie pour comprendre qu'elle est mal dans sa peau et pour ses voisins qui assistent régulièrement à leurs prises de tête forcément c'est plus facile pour eux de constater ce que vit Sumi au quotidien même s'ils ne connaissent pas toute la vérité et c'est probablement mieux ainsi.

Elle se met contre la rambarde du toit, approchant l'une de ses mains près de sa clope et à l'aide d'un allume-bougie s'allume sa clope mentholée. Elle tire sur sa clope jusqu'à entendre la porte du toit s'ouvrir puis se refermer. Curieusement elle tourne la tête pour voir apparaître la silhouette de son jeune voisin. Un jeune garçon très gentil et poli qui est probablement l'une des principales personnes à avoir compris que son mari est loin d'être un saint. Combien de fois les a t-il entendu se disputer ? Sans doute trop. Et combien de fois a t-il entendu voire même vu son mari rentrer ivre mort à la maison ? Trop de fois aussi sûrement. Mais ça ils n'en parlent jamais lui et elle. Il demeure discret le jeune garçon comme s'il partageait un secret intime avec elle, comme s'il préférait la préserver de son malheur, de ce qu'elle vit au quotidien, comme s'il souhaitait la protéger en ne lui imposant pas de parler de ses sombres secrets et notamment de sa vie de couple qui est un véritable fiasco avec un alcoolique violent et machiste au possible.

Il s'approche alors d'elle, se calant contre la rambarde à ses côtés et alors qu'elle tire une nouvelle fois sur sa clope mentholée elle se tourne vers lui. « Comme tous les jours Yusuke-kun. » Dit-elle en soupirant face à la question du plus jeune. « Vous avez l'air... Mal ? » Qu'elle fait la réflexion en le fixant mais au fond c'est plus ironique qu'autre chose que ce soit elle qui pose une telle question quand on sait ce qu'elle vit au quotidien. Mais Sumi est comme ça, elle jauge les gens, comme si elle pénétrait leurs âmes mieux que quiconque, fine observatrice la blonde n'a aucun mal à savoir quand une personne se sent au plus mal ou au contraire quand ça va au mieux pour quelqu'un. Et là, à en juger par l'état du garçon près d'elle on ne peut pas dire qu'il ai l'air tellement en forme. Elle ignore ce qu'il a, peut-être qu'il se confiera à elle sur ses maux ou peut-être qu'il conservera ses secrets pour lui tout comme elle a tendance à le faire à propos des siens. Au fond c'est ça la relation de Sumi et de son voisin, ils savent tous les deux qu'ils cachent des choses aux uns et aux autres et ils se respectent trop pour obliger l'autre à divulguer ce qu'ils ne veulent pas que les autres découvrent. Pourtant, ils savent l'un et l'autre qu'il y a quelque chose, qu'il se passe des choses dans leurs quotidiens qui sont loin d'être des choses positives et malgré cela la belle et son jeune voisin continuent à se croiser et se saluer naturellement sans pour autant parler de ce qui ne va pas. Ils se croisent parfois dans la rue alors qu'elle ramène son fils à la maison après l'école, ils se croisent le soir pendant une pause clope comme c'est le cas aujourd'hui mais en fin de compte ils ne se connaissent pas. Ils protègent les secrets de l'autre même s'ils ont percés l'intimité de l'autre depuis le début de cette relation de voisins qui se voient régulièrement si ce n'est tous les jours. Au fond oui peut-être qu'il faudrait juste qu'ils discutent tous les deux, ce serait probablement bénéfique. Mais oseront-ils un jour le faire ça c'est encore une autre histoire...

Comme tout les jours … Ce n'était pas vraiment la meilleure des réponses. Il se doutait bien que le quotidien de cette femme était tout sauf rose. Mais il ne dit rien, il hoche juste la tête, signe qu'il l'a entendu. Il ne pose pas plus de question parce qu'il a peur qu'elle se referme sur elle-même, peur qu'elle lui pose trop de questions en retour. Et puis, parce qu'il souhaite aussi que leurs échanges puissent être comme une bouffée d'air frais. Un instant, un moment pour oublier leurs tracas, laisser derrière eux leurs problèmes.

"Mal?"

Il rigole, relâchant de la fumée.

"Est-ce que c'est une façon détournée de me dire que j'ai une sale gueule ce soir?"

Il regarde le ciel noir de Tokyo. On ne peut pas voir les étoiles à cause de la pollution lumineuse ou de la pollution tout court. Il ne sait pas trop. Il sait juste que la planète part en couille à cause des êtres humains.

"Mais ne t'inquiètes pas, c'est mérité. Ça fait quelques jours que je n'ai pas mis de masques hydratants. Comment vous faites, vous les femmes, pour effectuer toutes ces routines? Sans compter la blinde que vous dépensez en cosmétiques."

Il se rappelle avoir vu une crème qui coûtait plus de 23 000 yens. La vendeuse racontait que la précieuse crème serait capable de détruire les rides et donc serait un remède miracle contre la vieillesse. Elle était à deux doigts de dire que c'était la clef de l'immortalité.

"Mais là encore, c'est peut-être notre faute à nous, les hommes."

Ils veulent des femmes qui ressemblent aux héroïnes de manga, aux actrices porno. Ils sont de plus en plus exigeants. Yusuke ne prétendra pas être meilleur, il a déjà eu ce genre de pensée, surtout lorsqu'il n'était qu'un adolescent. Il se demandait pourquoi les femmes qu'il connaissait ne possédaient pas les mêmes dimensions que Nami de One Piece.

"Mais bon, vous nous complexes aussi donc on va dire que c'est 50/50 à ce niveau là."

OOTD Une fois sur le toit avec son jeune voisin elle échange quelques mots avec le jeune homme et quand elle lui demande si tout va bien il semble amusé par la question - Il ne peut pas dire qu'il a une sale gueule. Il est mignon comme tout. Ses tatouages n'enlèvent rien à son charme, au contraire : il est magnifique. Elle le pense mais elle ne le dira pas pour ne pas avoir de problèmes supplémentaires avec son mari qui pourrait bien apprendre d'une façon ou d'une autre qu'elle a dit ceci. « Vous n'avez pas une mauvaise tête Yusuke-kun. Bien au contraire. » Qu'elle se contente de lui répondre d'une voix douce tout en dévisageant le jeune homme près d'elle. La fausse blonde tire sur sa clope et quand elle entend les mots du plus jeune à propos de produits de beauté elle éclate de rire. « On s'y fait à la longue disons. Surtout quand on vit avec quelqu'un d'exigeant sur le physique. » Elle roule des yeux comme pour faire comprendre que son mari est très regardant sur ce genre de choses mais ça nul doute que le jeune homme le sait, après tout il doit bien entendre les saloperies que son mari lui répète régulièrement si ce n'est tous les jours.

Quand le garçon près d'elle lui dit que c'est peut-être bien de la faute des hommes si les femmes se maquillent et se font belles à ce point Sumi se contente de soupirer. « Vous n'êtes pas tous pareils fort heureusement. J'ai eu des collègues à un moment donné qui n'en avaient rien à faire qu'une femme soit maquillée ou non. Et il y a bien des femmes qui ne se maquillent pas et ne prennent pas tant que ça soin d'elles. Bon, je l'admets, c'est quelque chose qui me dépasse. Mais à force d'entendre depuis des années qu'une femme se doit d'être coquète et parfaite en permanence pour ne pas ressembler à une poubelle on finit par écouter ce qu'on lui dit. » Qu'elle répond en soupirant au jeune homme près d'elle.

Et pour le coup elle ne parle pas forcément de son mari. Seulement des hommes en général, son père lui disait souvent ça déjà en Corée comme quoi qu'elle devait être parfaite en tout temps pour le moment où elle devrait se marier. S'il savait que sa fille unique était battue à mort par un fou furieux sans doute qu'il reverrait ses exigences sur la communauté masculine parce qu'en fin de compte c'est en partie à cause de son père que la jeune coréenne est devenue ce qu'elle est aujourd'hui à savoir une femme au foyer bonne uniquement à faire la cuisine, le ménage et s'occuper de son petit Shinobu. La dernière phrase prononcée par son jeune voisin suffit à tirer Sumi de sa rêverie silencieuse et elle fronce les sourcils. « Et en quoi complexez vous, Yusuke ? » Demande-t-elle d'une voix claire et concise. « Vous savez selon moi vous n'avez pas le moindre complexe à avoir. Vous êtes jeune, vous avez toute la vie devant vous. Pas d'engagements, pas de contraintes. Vrai ou faux ? » Elle ajoute en le scrutant. - Il semble tellement normal quand on le regarde comme ça. Pourtant je sais au fond de moi qu'il cache des choses comme moi je veux en cacher. Il va mal, il a des problèmes mais je lui laisse son libre arbitre, je sais qu'il n'en parlera pas forcément tout comme il sait pertinemment que je ne lui parlerai pas de mes propres problèmes avec Keitaro. Personne ne doit savoir ce que je vis, c'est beaucoup trop honteux. Et ça ce sont des choses qu'elle se répète continuellement tant elle a peur du regard que l'on poserait sur elle si jamais les autres apprenaient qu'elle était battue et forcée à avoir des rapports sexuels avec son mari. Définitivement il vaut mieux que personne ne sache rien de ce qu'elle vit c'est beaucoup trop flippant selon la fausse blonde. Alors elle reste à tirer sur sa clope tout en scrutant son jeune voisin sans mot dire un long moment.

Sauf que bien vite elle sent qu'il est autant pensif qu'elle l'est elle-même alors tandis qu'elle termine sa clope elle l'écrase dans un cendrier posé par là et s'en rallume une nouvelle, geste qui peut paraître un peu abusif mais qui est naturel pour elle puisque c'est une angoissée de nature notamment à cause de Keitaro qui la détruit chaque jour un peu plus. « Et qu'avez vous fait de votre journée ? » Elle demande d'une voix douce. S'il lui retourne la question sa réponse sera la même que d'habitude soit qu'elle a eu sa routine, faire le ménage, aller chercher son fils à l'école, distraire son fils, puis préparer le repas et coucher son fils. Ce qu'elle ne dira pas par contre c'est que pendant tout le long où son mari est rentré à la maison elle a tenté de se comporter de la façon la plus noble possible pour éviter de se recevoir un coup de la part de son mari, coup qu'elle n'a pas pu éviter ce soir malheureusement et qui lui laissera sûrement une marque qu'elle devra recouvrir de maquillage pendant plusieurs jours. Elle ne dira pas ça parce qu'elle se doute que si jamais elle venait à rompre son intimité et ses secrets en présence de ce jeune homme qu'il en viendrait à vouloir l'aider et donc à l'éloigner de ce fou furieux qui lui sert de mari. Parce qu'il est comme ça Yusuke hein Sumi ? Oui définitivement elle a cette image de ce jeune voisin comme étant du mec parfait mais ça bien sûr elle le garde pour elle comme à chaque fois qu'elle se sent proche d'un homme et qu'elle veut éviter les coups de son mari qui est beaucoup trop jaloux et possessif pour se calmer et mettre de l'eau dans son vin. De toute façon de la part d'un ivrogne la fausse blonde sait bien qu'elle ne doit s'attendre à rien de positif sous peine d'être déçue.