DISCLAMER : mention de suicide et de violences (meurtre) ; bonne lecture Regardez-moi, regardez-moi, encore et encore.
Cela a toujours été comme ça, ton plus grand souhait ; qu’on te regarde, vraiment. Tu ne voulais pas qu’on t’adule, ni qu’on se mette à tes pieds, tu voulais simplement que l’on te regarde, toi Azur. Qu’on pose les yeux sur ta petite silhouette, que cela soit avec amour ou dégoût, peu t’importais déjà, tu voulais simplement qu’on te regarde.
Papa ne l’a jamais fait.
Il n’avait d’yeux que pour elle, son aînée et puis lui, son second. Oui, le second, parce que tous ceux qu’il y a eus après il n’en a jamais rien eu à foutre. Toi, le troisième… tu ne connais la couleur de ses prunelles que grâce aux photos et tu n’en as jamais vu l’éclat réel.
Et maman… que dire de maman ?
L’amour s’est éteint, mais la question du divorce semblait être inexploitable, alors elle est restée malgré le manque d’attention cruciale de son mari. Les deux autres enfants après, il n’y a pas de doute, ils ne sont pas de lui bien qu’ils portent son nom. Maman a arrêté de te regarder quand ils sont nés… parfois, elle lève encore le nez vers toi, souvent quand elle a trop bu. Les yeux vitreux et vides.
Au début de l’adolescence, tu as décidé de briller, de les forcer à te regarder. C’est là qu’est née cette obsession de l’attention et du regard des autres. L’école, tu as laissé tomber et tu t’es acharné sur les auditions pour intégrer une agence. Treize ans, c’est l’âge que t’avais quand t’as été retenu, quand t’es parti, sans un regard par-dessus l’épaule. Ça n’a jamais été simple, mais t’as tout donné, tu t’es battu pour percer Azur et ça a payé.
Seize ans, te voilà maknae d’un groupe tout nouveau et prometteur… justement, ça a décollé, vite si vite et si bien. Ça t’as rendu malade, accros à cette sensation d’être vu à travers le monde, aimé, chéri et adulé. Cinq garçons, des interviews à tour de bras, toujours plus de contenu, boulot, boulot et parfois dodo. Tournée mondiale, une fois, deux fois… ça fait bientôt six ans.
Ce n’est pas toi qui l’a trouvé et pourtant, tu te demandes encore de temps en temps, ce que ça t’aurais fait, de voir son corps pendu et raide. Aujourd’hui, tu ne sais toujours pas si tu as manqué de réaction parce que tu étais profondément choqué, ou simplement, parce que ça t’as glissé dessus comme tout le reste. Pourtant, une fois que t’as pu t’allonger dans ton lit, il y avait encore son odeur dans les draps et tu n’as pu t’empêcher de te demander si ce n’était pas un peu de ta faute.
Je t’aime.
Je sais.Pas foutu de dire « moi aussi ».
Lui, il te l’a dit et peut-être qu’il attendait une réciproque…
peut-être que… tu refuses d’y penser plus que ça. Tu refuses de porter ça sur tes épaules Azur, parce que la seule personne que t’as jamais aimé, c’est toi et juste toi. On ne t’a pas conçu pour donner, on ne t’a pas appris ça, tu ne sais que prendre, encore et encore.
Bien sûr, avec le suicide du leader du groupe, il n’y a pas eu de nouvelle signature de contrat et t’en a profité pour prendre une pause ; des vacances bien méritées. C’est ce que l’agence vous a dit, comme si après un moment à respirer plus loin vous alliez revenir pour signer autre chose. Peut-être que tu l’aurais fait, peut-être, si seulement ça n’avait pas dérapé.
Retour à la maison.
L’enfer est toujours là.
Maman a fini par partir, elle a le sourire au moins, mais elle regarde toujours sans voir… trop honteuse de ses années d’aveuglement. Tu lui en veux sans lui en vouloir à la fois, c’est compliqué. C’est juste que quand elle sourit, t’as envie de la gifler.
Et papa… ça t’as fait péter un plomb.
Pas un seul regard. Comme si tu n’étais jamais parti, comme si il n’y avait pas ta tronche affichée sur Time Square et un peu partout dans le monde. Comme si on n’entendait pas ta voix à la radio, sur un nombre de fréquences tellement grand que toi-même, tu n’en as pas le compte. Encore aujourd’hui, tu n’existais pas.
Un soir, où t’as un peu abusé sur le champagne, ton grand frère le nez plein de poudre et calé entre deux femmes à la petite vertu, tu lui as pris son badge et ses clés de voitures. T’as roulé jusqu’à la société et t’as badgé à l’entrée du directeur. T’es monté jusqu’à son bureau Azur et t’as trouvé ton paternel assit sur son fauteuil. Il a levé les yeux, furtivement, ce n’était que toi.
▬ Qu’est-ce que tu fais là ?
▬ Regardez-moi.
▬ Pardon ?
▬ Regardez-moi !Tu hurles.
Tu fais un scandale et il refuse de te l’accorder ce regard, ce putain de regard que t’attend depuis vingt-deux ans déjà. Et t’explose Azur, tu t’emportes… la gifle que tu voulais mettre à ta mère, c’est lui qui la prend. Puis c’est le poing et une fois au sol, son regard. Un mélange de surprise, de colère et de peur. Tu l’achèves à coup de presse-papier.
Il y a du sang partout et il te faut plusieurs minutes avant de te relever, contemplant son crâne enfoncé. Il ne respire plus et tu soupires, de soulagement. Une fois debout, tu récupères une clope sur le bureau et tu l’allumes avant de te laisser choir dans le fauteuil. Observant son cadavre gisant, tu te rends compte que tu ne t’es jamais sentie aussi apaisé que maintenant et aussi que t’as jamais autant bandé de toute ta vie ; ça te fais rire.
Une heure à passé avant que tu ne t’actives à tout nettoyer, alors que tu aurais juste pu le laisser là… mais non, il t’en fallait plus. Tu l’as emballé, t’avais la nuit devant toi Azur, la nuit pour effacer ton crime. Méticuleux et appliqué, tu l’as découpé comme tu as pu, dispersant ses bouts dans divers sacs-poubelles. T’as tout nettoyé, pas une trace, pas un cheveu et la voiture aussi. Au petit matin, t’es rentrée, t’as généreusement payé les putes et t’as remis le badge et les clés dans le manteau de ton frère, là où tu les avais trouvés.
Le lendemain, c’était la panique et t’as jamais autant remercier tes cours d’acting. La police n'a pas mis bien longtemps à inculper le fils prodigue… c’était son badge, sa voiture, bien trop propre qui plus est. De plus, il ne se souvenait de rien et pour les jeunes femmes qui étaient ici la veille, personne ne semblait se souvenir de l’agence employé ou même de leurs noms. Toi Azur, t’a avoué avoir trop bu et être parti te coucher… t’avais pas de raisons de tuer ton père, en tout cas moins que ton frère, petit hérité d’un patron trop con.
T’as laissé ton frère se faire embarquer et être jugé pour juste avoir eu le droit à la reconnaissance de votre père. L’entreprise te revenait maintenant, mais tu n’en voulais pas… juste être actionnaires et recevoir de l’argent de cet enfoiré pourrissant. T’as donc refourgué tout ça à ta grande sœur, qui en a toujours rêvée de ce poste.
Tu ne sais pas ce que sont les remords Azur, pourtant t’étais plus du tout à l’aise dans les rues de Séoul… un peu peur qu’on comprenne que c’était toi en vérité et que ton frère croupissait derrière les barreaux, juste parce que t’es un connard de première. T’as choisi de partir, l’exil pour le Japon.
Deux ans que t’es là maintenant.
Et en si peu de temps, t’as quand même réussi à épouser une japonaise, une fan qui n’attendait que ça. Elle était sympa, pas la dernière des connes non plus, mais quand même un peu… t’es juste un beau menteur. Le Diable en Prada. Une fois que t’as eu ce que tu voulais, tes papiers de Japonais naturalisé et qu’elle a commencé à te soûler, t’as demandé le divorce… prétextant qu’elle t’avais épousé que pour l’argent.
Le pire du pire.
Des agences japonaises t’ont bien contacté pour que tu reprennes la scène, mais t’as pas encore eu la foi de dire oui… il y a quelque chose qui te bloque sans savoir ce que c’est. Cela ne t’empêche cependant pas de te complaire dans le mannequina, d’être l'égérie de diverses marques et d’être host pour t’amuser. Parce qu’il faut qu’on continue de te regarder, encore et encore.
Toujours.
Regardez-moi, aimez-moi, détestez-moi, mais bordel, regardez-moi !